À trois mois de la fin officielle du mandat du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le 7 février 2026, un flot de mensonges empoisonne l’opinion publique. Le slogan « Une solution haïtienne » refait surface. Pour rappel, il a été lancé pour la première fois lors de la signature de l’Accord dit de Montana le 30 août 2023 par un groupe composé de représentants de la Société civile, de partis politiques d’opposition et de membres de l’élite économique. Ce slogan visait à faire croire aux plus naïfs qu’une large frange d’opportunistes politiques au sein de la société haïtienne allait rompre avec le système capitaliste de domination impérialiste en place. Nombre d’incrédules sont tombés dans le piège de cette fausse solution de rupture qui prétendait défendre les revendications des masses défavorisées.
Alors qu’ils propageaient un nationalisme factice à travers cette publicité, le jeudi 30 septembre 2023, à l’invitation de l’ambassade des États-Unis, une délégation de quatre membres de l’Accord de Montana avait présenté sa proposition haïtienne de résolution de la crise aux envoyés américains Brian Nichols et Mark Wells du Département d’État, ainsi qu’à Juan Gonzalez du Conseil de sécurité nationale. Les envoyés de l’administration Biden avaient exprimé leur admiration pour l’Accord de Montana. « Nous avons rencontré des représentants des différents accords, et je pense que l’Accord de Montana est un document très solide et très pertinent. La diversité et la portée de l’Accord de Montana sont impressionnantes, mais d’autres groupes souhaitent y participer. Cependant, tous les signataires des trois accords partagent une vision commune », avait déclaré Brian A. Nichols, Secrétaire d’État adjoint d’alors aux Affaires de l’hémisphère occidental.
C’est dans ce contexte que le pays s’était embourbé dans l’absurdité de réunions avec la CARICOM en Jamaïque, qui a abouti à la mise en place d’un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) de neuf membres et à la nomination d’un Premier ministre. Quoi de plus haïtien que cette solution ? Certes, c’est une « solution haïtienne » mais teintée d’impérialisme américain. Le même scénario allait se répéter à mesure que la situation s’aggravait. Dans une lettre signée par plusieurs organisations sociopolitiques et adressée au Secrétaire général de l’OEA, Albert Ramdin, on peut lire : « Pour être viable, la solution doit être haïtienne. Elle ne peut émerger que d’une feuille de route haïtienne ou autochtone, conçue et élaborée par des Haïtiens, à l’abri de toute ingérence étrangère. » Dans ce même contexte que des groupes politiques, dont Pati Politik Pitit Ayiti (PAPA) de l’ancien commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance des Cayes, Me Ronald Richemond, l’Initiative Patriotique 7 Juillet (IP7) et la Conférence des Pasteurs pour le renouveau d’Haïti (COPARH), tirent la sonnette d’alarme face à l’aggravation de la crise haïtienne et appellent, lors d’une conférence de presse le 8 novembre 2025, à une autre solution haïtienne pour éviter le chaos. Si cela était vrai, tous les Haïtiens, sans exception, auraient été unis pour élaborer un projet commun visant à contrer l’ennemi.
Sauf que, la vérité qui se dégage de toute cette comédie et de toute cette tromperie est la suivante : tout ce que vous entendez au sujet de la « solution haïtienne » n’est qu’une façon de se moquer de la lutte du peuple haïtien. Ces organisations n’obtiendront rien par elles-mêmes. Elles n’ont d’autre choix que de s’appuyer sur le projet impérial. La « solution haïtienne », n’est qu’un slogan qu’elles répètent sans aucune conviction. Ce charabia est aussi révélateur de leur manque de dignité, de leur allégeance et de leur bas degré de conscience politique puisqu’elles attendent les bonnes grâces du Département d’Etat et le soutien de l’OEA pour l’affirmer. Se sentant de plus en plus menacés par les mouvements armés, ces opportunistes prétendent rechercher un renouveau politique, mais toujours sous la tutelle de Washington.
En brandissant sans cesse le slogan : « solution haïtienne » sans y croire, ils pensent susciter de faux espoir au sein de la population. En revanche, cela signifie aussi que nous ne devons attendre aucune initiative politique nationale de leur part. Cette classe, même lorsqu’elle parle désespérément de « solution haïtienne », ne vit et ne respire en réalité que par le Département d’État américain. Elle n’entreprendra rien sans l’autorisation de Washington qui a toujours considéré Haïti comme son domaine privé et son champ d’expérimentation de sa politique néocoloniale.
En fait, c’est l’impérialisme américain qui, depuis plus d’un demi-siècle, s’appuie sur une classe politique moribonde et des organisations d’extrême droite qu’il domine, arme et finance pour déstabiliser le pays et réprimer les mobilisations des ouvriers, des paysans, des étudiants. Bref, des laissés-pour-compte de la société qui réclament un autre Haïti ! Cette classe antinationale ne marchera jamais dans la logique des masses populaires et ne s’unira jamais à elles pour s’organiser et se mobiliser contre le pouvoir néocolonial de domination. Non, ce n’est pas sa voie ni son intérêt. Elle n’a rien à voir avec le peuple ; elle cherche seulement à s’allier avec les puissances dominantes, pour parvenir au pouvoir afin de continuer à marginaliser le peuple, bafouer ou ignorer les revendications des plus vulnérables.
Cette mentalité est un héritage de la petite bourgeoisie d’affranchis du temps de la colonie à l’exemple d’un Vincent Ogé et de Jean-Baptiste Chavannes, qui ont recherché la collaboration des colons blancs au détriment de la cause de justice sociale et de liberté des esclaves africains. La situation est exactement la même : la prétendue « solution haïtienne » est une forme de collaboration entre des acteurs petit-bourgeois pro-impérialistes et les forces coloniales dominantes. Elle vise une transition qui permettrait à un pouvoir pro-impérialiste d’organiser des élections afin de maintenir le statu quo. En réalité, ces acteurs se moquent des masses et s’en fichent comme de l’An 40 de leurs revendications. Elles sont le cadet de leurs soucis. L’ennemi dans le pays n’est pas toujours celui que l’on croit. Il s’appelle l’impérialisme américain. C’est également le gouvernement haïtien et tous ceux qui soutiennent ses politiques destructrices !
Certes, le pays a besoin d’une solution, une vraie solution émanant de son peuple, des secteurs populaires, conscients et souhaitant rompant avec le passé et ce présent sans aucune perspective d’avenir. Une solution avec de vrais leaders unis et solidaires de la lutte du peuple de manière à traduire et à concrétiser les espoirs et les aspirations des masses exploitées, opprimées et dominées. Le slogan « une solution haïtienne », tiré de la feuille de route 3e version de l’OEA est un refrain manipulateur et trompeur.














