
(English)
Le 10 novembre, Joseph « Lanmò Sanjou » Wilson, chef du groupe armé 400 Mawozo basé à Croix-des-Bouquets, a accusé les Apaid, une famille bourgeoise haïtienne influente, de fabriquer et de faire le trafic de drogues illégales, notamment de marijuana et de cocaïne, ainsi que d’organes humains.
Wilson, également surnommé Plip-Plip et Bawon Laplèn (Baron de la Plaine), a diffusé une vidéo filmée par ses hommes après leur entrée dans un vaste bâtiment ressemblant à un hangar. On y voyait des dizaines de sacs contenant ce qui semblait être de la marijuana ou du chanvre, deux substances illégales en Haïti.
La vidéo montrait également de grandes caisses de feuilles de tabac séchées, du matériel et des cuves de distillation, un sac de poudre blanche non identifiée et une profonde fosse en ciment qui semblait contenir des restes humains au fond. Ces deux derniers éléments pourraient expliquer pourquoi Wilson a également accusé les Apaid de trafic de cocaïne et d’organes humains.

Andy Apaid, dont la famille a fondé, possédé et géré plusieurs usines d’assemblage à Port-au-Prince à partir de la fin des années 1970, est devenu célèbre sur la scène internationale en tant que leader du « Groupe des 184 », une coalition d’opposition soutenue par les États-Unis et qui a joué un rôle central dans le renversement du président élu Jean-Bertrand Aristide en 2004.
Wilson a récupéré, dans l’enceinte de l’usine perquisitionnée, les passeports de plusieurs enfants d’Andy Apaid, dont Haïti Liberté a pu consulter les photos en ligne. Ce sont là quelques-uns des « documents » que Wilson prétend être les preuves de ses accusations contre la famille.
La vidéo commence par des images aériennes de la prétendue usine de drogue, sur lesquelles Wilson explique : « J’ai annoncé à la famille Apaid et à tous ses acolytes que je m’en prendrais à eux, car certains disent toujours que Viv Ansanm ne s’attaque qu’aux pauvres et jamais à la bourgeoisie.» Viv Ansanm (Vivre Ensemble) est une coalition de groupes armés de quartier opérant dans la région de Port-au-Prince. Il a affirmé que la famille Apaid « possède plus de 80 carrés [255 acres] de terres » dans la région de Lilavois, à Croix-des-Bouquets (à environ treize kilomètres au nord-est de Port-au-Prince), et que « des hélicoptères y atterrissent et transportent la drogue vers différents pays ».

« Et ils me traitent de terroriste », a-t-il lancé avec mépris. « Ce sont eux les terroristes… mais quand on est riche dans ce pays, on n’a jamais tort… et c’est pour ça que je m’en suis pris à la famille Apaid. »
Wilson a ensuite fait remarquer que « le cannabis est illégal ici » et que « si la police surprend des jeunes en train de fumer du cannabis, ils les tabassent et les mettent en prison. Dans quel genre de pays vit-on ?… Parce qu’ils produisent du cannabis à Croix-des-Bouquets, dans le Lilavois. » Avant la diffusion des images montrant l’entrée de ses hommes dans l’usine Croix des Bouquets, Wilson a également enregistré une longue déclaration, dans laquelle il affirmait : « Je sais que je vais mourir » et « Apaid me dévorera quoi qu’il arrive », car « ces types sont les maîtres du pays » et seraient furieux qu’il révèle leurs activités apparemment illégales. Il a mis au défi les autorités de facto d’Haïti de venir chez lui « prendre les 57 sacs de marijuana [saisis à l’usine] que je tiens, pour vérifier si ce n’est pas de la marijuana, bande de bluffeurs ! », ajoutant que « les riches ne sont jamais jugés ».

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la famille Apaid n’a fait aucune déclaration concernant le raid, ni même confirmé être propriétaire des lieux. Le gouvernement de facto haïtien n’a pas non plus fait de déclaration. Par conséquent, à ce jour, aucune confirmation n’a été apportée aux allégations contenues dans la vidéo de Wilson, devenue virale sur les réseaux sociaux haïtiens. Des dizaines de personnes ont reproduit la vidéo, et de nombreux directs et débats en ligne l’ont commentée.
Lors d’un échange, une femme anonyme issue de la bourgeoisie haïtienne a expliqué à l’écrivain et influenceur Kervens Louissaint qu’il fallait distinguer le chanvre du cannabis, tous deux appartenant à la famille du Cannabis sativa, mais étant des plantes biologiquement très différentes : le premier produisant principalement du CBD et le second du THC, responsable de l’effet psychoactif.
« Le vrai problème n’est pas de savoir si la plantation était de chanvre ou de cannabis », a rétorqué Louissaint. « Il s’agit du privilège de l’opacité. En Haïti, le “crime” du pauvre est l’”entreprise” du riche. »
Wilson a juré qu’avec le soutien de l’alliance Viv Ansanm, il riposterait aux violentes représailles qui, il en est certain, ne manqueront pas, mais a conclu presque avec résignation.
« J’ai 32 ans, j’ai trop vécu », a-t-il déclaré. « Je peux mourir aujourd’hui ou demain… Avant, je volais et commettais beaucoup de crimes, mais maintenant, plus maintenant… Si le Baron de la Plaine meurt, il mourra pour la vérité. »













