L’Hebdomadaire Haïti Liberté à New York, dans son édition du 29 octobre au 4 novembre 2025, a publié un article signé de Nayan Khiang, citoyen français et originaire de Bangladesh en Asie du Sud. Il a grandi et vit dans la région parisienne. Aujourd’hui, interprète auprès des services publics et auteur, entre autres, de deux ouvrages sur la vie et le combat des immigrés en France, « Impression de vie » et « Espoir et mon combat », Nayan Khiang est Fondateur et Président de Solidarité Asie France. Une association qui s’attèle à faciliter les démarches administratives des étrangers et les aider à s’intégrer dans le pays. Son article s’intitule : « Et si les étrangers vivant en France arrêtaient de travailler pendant une journée ? »
L’article de ce militant associatif très engagé dans la lutte pour la reconnaissance de l’apport des immigrés dans l’économie française et dans la richesse de la France en général m’a tout de suite rappelé que j’avais reçu, il y a quelques mois, un ouvrage volumineux sur ces français d’origine étrangère ou issus de l’immigration qui ont fait et qui contribuent encore à la grandeur, la fierté et la réputation de la France à travers le monde. L’ouvrage en question c’est le « Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France ». C’est un livre monumental de 992 pages qui explore la contribution majeure des étrangers à la construction de l’identité, de la culture et de la renommée de la France. Ce travail, porté par l’historien et professeur Pascal Ory et la spécialiste de l’immigration Marie-Claude Blanc-Chaléard, propose un inventaire riche et varié des personnalités et des communautés étrangères qui ont marqué l’histoire française, souvent en s’intégrant si profondément qu’elles sont devenues des symboles de ce que les intellectuels anglo-saxons appellent : la « frenchitude ».

Ce « Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » explique avec minutie comment ces étrangers devenus français ont souvent cherché l’excellence et ont su s’approprier les mythes nationaux ou locaux, les fameux « franchouillards » devenant parfois plus français que les français eux-mêmes. Par exemple, la chanson « J’aime les grands boulevards », symbole de Paris, a été écrite par un Austro-Hongrois, Norbert Glanzberg, et interprétée par Yves Montand, né Ivo Livi en Italie. De même, Albert Uderzo, co-créateur de la fameuse bande dessinée Astérix et Obélix, mettant en scène des irréductibles gaulois affrontant sans peur et dans la bonne humeur des hordes de Légionnaires de Jules César du tout puissant Empire romain.
Ce dessinateur français de renommée mondiale tout comme le footballeur Michel Platini sont issus de familles d’immigrés italiens. Ces exemples illustrent comment l’identité française s’est construite à travers des apports multiculturels, souvent invisibilisés, méconnus ou oubliés. Le dictionnaire souligne aussi le rôle des « sans-grade » : ouvriers, artisans, éboueurs, aides-soignantes, chauffeurs de taxi, les saisonniers dans les vignes de Bordeaux ou de Champagne qui, par leur travail quotidien, ont participé à l’édification de l’économie, de la culture et de l’excellence françaises.
Les auteurs mettent aussi l’accent sur une multitude de communautés étrangères en France, notamment africain, chinois, arabe, latino-américain, haïtien, canadien, américain, caribéen, sans oublier diverses communautés des Etats de l’Union européenne. Pascal Ory et sa bande d’auteurs soulignent que la France, bien que pays d’immigration majeur, entretient un rapport complexe avec cette réalité. Or, environ 25 % de ses habitants ont un parent étranger à la première ou deuxième génération, mais ce fait est rarement assumé dans le discours historique national. Le dictionnaire se veut donc un outil de réhabilitation de ces parcours, offrant une vision plus inclusive et réaliste de l’histoire française ou du peuple français. Le « Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » comprend plus de mille cent quatre-vingt-six (1186) articles. Il est le fruit d’une collaboration collective.
Plus de soixante auteurs, historiens et spécialistes ont contribué à la rédaction des 1200 notices individuelles, 22 notices collectives et 52 notices communautaires. Chaque auteur a apporté son expertise sur des personnalités, des groupes ou des communautés spécifiques, couvrant des domaines aussi variés que la politique, l’économie, la culture, la littérature, l’art, les sciences et les sports, de la Révolution française à nos jours. L’ouvrage s’ouvre naturellement sur une longue préface du professeur Pascal Ory, d’une quinzaine de pages, qui rappelle l’ambition du projet : rendre hommage à ceux qui, par leur talent et leur engagement, ont façonné la France d’hier et d’aujourd’hui, certains diraient la France moderne. En vérité, ce dictionnaire qui porte bien son nom est bien plus qu’un recueil biographique. C’est plutôt une invitation à repenser l’histoire de France à travers le prisme de l’apport étranger et à reconnaître que la « francité » est le fruit d’un métissage constant, enrichissant que personne, mêmes celles qui se revendiquent de la mouvance d’extrême droite, aucune politique, fut-elle réactionnaire, ne pourraient arrêter sa progression et la marche de l’histoire. C’est irréversible !
« Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » sous la direction de Pascal Ory est publié par les Editions Bouquins, Paris, 2024















