
Cette semaine marquait le huitième anniversaire du départ de la MINUSTAH (la mission de l’ONU dirigée par le Brésil) d’Haïti, après 13 ans d’occupation militaire. À ses débuts en 2004, le pays considérait l’envoi de Casques bleus brésiliens comme un acte de générosité, ce qu’on appelait le « coup de main » de notre armée.
Il n’a pas fallu longtemps pour découvrir que la mission offrait bien plus de brutalité, de coups de feu et de violences diverses que d’aide. Il convient de rappeler que le chef de la mission, le général Augusto Heleno, condamné pour complot de coup d’État, a été démis de ses fonctions un an plus tard seulement pour avoir assassiné quelque 70 Haïtiens, dont des femmes et des enfants, lors d’une seule opération.
Nous devons également nous souvenir des nombreux enfants que les soldats brésiliens ont laissés derrière eux en Haïti, où ils ont grandi sans père, mère ou tuteur, sans assistance ni reconnaissance, ni de la part de l’armée, du gouvernement ou de la justice. Le scandale a toujours été tenu secret par ceux qui auraient dû enquêter, et au final, ces Haïtiennes – dont beaucoup étaient des adolescentes, voire des filles – ont dû compter uniquement sur elles-mêmes et sur les mouvements populaires locaux.

Mais nous racontons cette histoire de honte et d’impunité.
Tout comme nous sommes l’un des rares médias brésiliens à maintenir une correspondance en Haïti, notre principe directeur, depuis juillet, est d’offrir aux lecteurs de BdF une couverture honnête, exempte des intérêts des agences de presse locales, et soucieuse d’écouter ceux que l’on oublie souvent lorsqu’on parle du pays : la société haïtienne.
C’est ainsi que nous avons partagé des expériences positives nées et gérées par des Haïtiens, comme le centre qui forme des agriculteurs familiaux à lutter contre la faim dans le pays grâce à de la vraie nourriture. Ou encore le canal d’irrigation creusé et défendu par des bénévoles, malgré la campagne violente menée par son voisin plus riche, la République dominicaine, qui refuse de partager la moindre goutte du fleuve qui sépare les deux pays.
Nous remettons en question l’idée reçue selon laquelle des gangs criminels contrôlent Haïti et cherchons constamment à comprendre qui les finance et profite de leurs exploits, comme le fait de priver le pays tout entier d’électricité. Nous réfutons l’idée perverse selon laquelle les Haïtiens seraient incapables de maîtriser leur destin et exaltons les fondements de leur identité, comme le vaudou, qui contribuent à forger la belle culture haïtienne, laquelle a servi d’exemple au monde lors de la première rébellion anticoloniale et antiraciste au début du XIXe siècle.
Par-dessus tout, nous soutenons la société civile haïtienne, qui rejette la nouvelle intervention militaire étrangère qui se prépare dans le pays. Et nous nous engageons à continuer de présenter Haïti comme une nation fière, solidaire et meurtrie, qui continue de payer le prix de sa contestation de ceux qui gouvernent le monde.
Cela a un coût. Mais bien moins que celui de fermer les yeux et de rester l’otage des agences internationales et de leurs agendas politiques, presque toujours contraires aux intérêts d’Haïti.
Édité par Rafaella Coury
Brasil de Fato 17 octobre 2025