Reynoldson Mompoint
Port-au-Prince
Le 14 Avril 2025
Haïti ? Ce n’est plus un pays. C’est un cirque tragique où le sang remplace le ticket d’entrée et où le peuple, épuisé, sort sans même l’ombre d’un espoir. Sur la scène, les acteurs sont les mêmes : politicards recyclés, marchands d’illusions, notables sans colonne. L’État ? Un fantôme. Une entité sans souffle, sans nerf, sans âme. Il ne dirige plus. Il flotte, suspendu entre le néant et l’abandon.
La “gouvernance” ? Une mauvaise mise en scène. On change les costumes, jamais le script. À chaque vacarme, un nouveau cartel de transition, comme si coller un nouveau pansement sur une plaie infectée pouvait stopper la gangrène. Ils parlent de solutions ? Ils sont eux-mêmes le problème déguisé.
La politique en Haïti, c’est le carnaval des imposteurs. Plus de convictions. Juste des calculs. Des prestidigitateurs d’ambitions, sans foi ni drapeau, qui vendraient leur dignité pour un strapontin au conseil des vautours. Ce ne sont pas des leaders, ce sont des figurants dans un film de zombies où le chaos est devenu plan de carrière.
Et pendant ce temps, le peuple — ce peuple qu’on évoque comme un gri-gri pour justifier chaque mensonge — crève à petit feu. Les rafales de mitraillettes dessinent les frontières de ce qu’on ose encore appeler une nation. L’école ferme, l’hôpital saigne, l’église prie dans le vide. Même la foi commence à douter d’elle-même.
Le pouvoir réel ? Il est dans les mains de nouveaux prêtres : les barons de l’insécurité, les marchands d’influence, les douaniers du silence. Leur Dieu, c’est le profit. Leur évangile, la crise perpétuelle. Chaque massacre est une opportunité. Chaque désespoir, une niche rentable.
Mais ils causent ! Ils jasent dans les hôtels climatisés, ils investissent les rues en quatre-quatre, les départements en hélico, pendant que les villes limitrophes, les départements (Centre, Artibonite) sont déjà conquis et prêts à céder les villes indemnes, le Nord historique et touristique est menacé, le sud est investi, la capitale crépite sous les flammes. Le mot “peuple” sort de leur bouche comme une insulte bien emballée. Ils veulent nous faire croire qu’ils sont la solution ? Non. Ils sont le virus qui a appris à parler en conférences de presse.
Et pourtant… pourtant, il reste quelque chose. Une colère douce. Une dignité silencieuse. Un feu qui ne veut pas mourir. Dans les yeux rouges des mères qui enterrent leurs fils. Dans la voix tremblante des poètes qui refusent de se taire. Dans les poings fermés des jeunes parqués dans leurs ghettos comme du bétail en transit.
Haïti n’a pas dit son dernier mot. La République violée n’a pas encore rendu l’âme. Elle attend. Elle gigote, elle rumine sur son lit de violence. Elle note les noms. Un jour, elle se lèvera. Et ce jour- là, les imposteurs ne riront plus. Les mots auront le tranchant des machettes, et la mémoire sera plus explosive que toutes leurs cartouches.
Reynoldson Mompoint
Je n’ai pas choisi d’écrire, c’est l’indignité du réel qui m’a désigné.