Offrir à la jeunesse le miroir vide d’une communication de façade, c’est l’exclure une fois encore de tout avenir réel.
Alors que l’aéroport international Toussaint Louverture demeure fermé, que les routes menant aux grands centres régionaux – le Grand Sud et le Grand Nord – sont coupées ou sous contrôle de gangs terroristes dénoncés de collusion avec des officiels, et que le déplacement interne, par hélicoptère, est réservé à une élite capable de dépenser des centaines de dollars américains pour quelques minutes de vol, le gouvernement haïtien choisit de lancer une nouvelle campagne de communication autour de la « jeunesse diplomatique ». Le Ministère des Affaires Etrangères évoque une « nouvelle génération au service de l’image d’Haïti », comme si la réalité quotidienne pouvait être effacée par des slogans.
Ce discours, pourtant enrobé de promesses modernisatrices, dissimule mal une réalité marquée par le clientélisme et l’opacité dans les pratiques de nomination au sein des missions diplomatiques haïtiennes. Loin de tout principe de mérite ou de compétence, ces affectations répondent trop souvent à des logiques de favoritisme politique ou de loyauté personnelle. Le cas récemment signalé de l’épouse d’un ancien directeur général de la Police nationale, affectée sans justification au consulat d’Haïti à Manhattan, illustre cette dérive. À cela s’ajoute la prolifération d’éléments affiliés au parti nébuleux EDE, insérés dans plusieurs postes diplomatiques sans critères transparents de sélection. En lieu et place d’une diplomatie fondée sur l’expertise, le professionnalisme et la représentation légitime des intérêts du pays, se consolide ainsi un appareil consulaire parasité par des allégeances partisanes et des récompenses politiques.
Parallèlement aux pratiques clientélistes, les missions diplomatiques haïtiennes sont entachées par des scandales financiers majeurs, notamment le détournement de fonds issus de l’émission de passeports. Des enquêtes ont révélé que des millions de dollars collectés pour les passeports n’ont pas été transférés au Trésor public, mais ont été détournés via des comptes bancaires non officiels, échappant à toute supervision étatique. Cette corruption systémique a conduit à la fermeture des comptes bancaires de l’ambassade d’Haïti à Washington par la Citibank, mettant en lumière une gestion opaque et frauduleuse des fonds publics . Malgré la gravité de ces révélations, les autorités haïtiennes n’ont pas engagé de poursuites judiciaires significatives, laissant ces affaires en suspens et perpétuant une culture d’impunité au sein de la diplomatie haïtienne.
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Or, quelle diplomatie prétend-on redresser, alors que les diplomates haïtiens ne sont plus payés depuis des mois, que les ambassades accumulent les dettes, que les loyers des représentations en Europe, en Amérique du Sud et en Asie ne sont plus honorés, et que plusieurs missions risquent d’être expulsées pour insolvabilité ? À cela s’ajoute le fait que la scène internationale connaît parfaitement la nature de l’État haïtien actuel : un territoire partiellement occupé par des groupes armés classés comme terroristes, qui disposent de plus de pouvoir que les institutions formelles.
Loin d’un projet diplomatique sérieux, cette mise en scène apparaît comme une énième tentative de produire un récit institutionnel artificiel, destiné à masquer l’effondrement de l’autorité publique. En l’absence de sécurité intérieure, de justice crédible, et de moyens de fonctionnement élémentaires, parler de refondation de l’image d’Haïti relève moins de la stratégie que de la mystification et de la propagande. La jeunesse haïtienne ne saurait être réduite au rôle décoratif d’une vitrine diplomatique vouée au néant.