Cette question n’est pas dénuée de sens lorsqu’on observe certains précédents internationaux. Les cas de la République démocratique du Congo et du Rwanda sont révélateurs : plusieurs rapports, notamment ceux des Nations unies ainsi que des autorités américaines, ont accusé le Rwanda d’avoir instrumentalisé des groupes armés opérant à la frontière congolaise afin d’exploiter illégalement les ressources minières de la région.
Ce type de scénario n’est pas exceptionnel dans les relations entre États partageant une frontière, surtout dans un contexte mondial marqué par la prolifération du trafic d’armes. À cet égard, les nombreuses arrestations effectuées aussi bien du côté haïtien que dominicain renforcent les soupçons. Certes, il n’existe à ce jour aucune preuve matérielle permettant de confirmer une implication directe de la République dominicaine dans la déstabilisation d’Haïti. Toutefois, au regard des événements susmentionnés, il apparaît légitime d’exiger l’ouverture d’enquêtes sérieuses par les autorités haïtiennes et l’adoption de mesures urgentes visant à sécuriser la frontière.
Haïti est aujourd’hui l’un des rares pays au monde à ne disposer d’aucun contrôle effectif sur ses frontières terrestres et maritimes. Or, une frontière sans contrôle constitue le signe manifeste d’un État sans autorité.
La crise haïtienne ne saurait être résolue sans une réévaluation profonde de la politique d’Haïti à l’égard de la République dominicaine. Ignorer ce voisin immédiat revient à méconnaître la véritable dimension de la crise. Sur le plan économique, une part considérable de la consommation haïtienne provient de la République dominicaine. Plusieurs départements du pays dépendent largement de ce pays pour l’approvisionnement en matériaux de construction. Pire encore, Haïti importe massivement sans disposer d’une réelle capacité d’exportation de ses propres biens, notamment en raison de la fermeture prolongée du pays.
Il est donc impératif d’analyser cette réalité non pas à travers le prisme de la haine historique, mais dans une perspective réaliste et stratégique.
Haïti se trouve aujourd’hui face à deux options dans sa relation avec la République dominicaine. La première consisterait à rompre les relations diplomatiques et à fermer les frontières. Cette option apparaît toutefois irréaliste, car Haïti ne dispose ni des moyens financiers, ni des capacités logistiques, ni de la stabilité politique nécessaires pour soutenir une telle décision.
La seconde option, plus pragmatique, serait d’intégrer la République dominicaine dans la recherche de solutions à la crise haïtienne, à travers des coopérations franches et équilibrées dans divers domaines, y compris la sécurité et, pourquoi pas, la coopération militaire. Ce n’est pas l’orgueil stérile qui gouverne un pays, mais l’orgueil fondé sur le travail et l’action concrète. En diplomatie, il n’existe pas d’ennemis éternels : seuls les intérêts priment.
Dans l’état actuel des choses, il est évident que la situation profite bien davantage à la République dominicaine qu’à Haïti.
Alceus Dilson
Communicologue, juriste
Alceusdominique@gmail.com
