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Réponse à Christopher Landau et à l’Ambassade des États-Unis à Port-au-Prince

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De gauche à droite, le Premier ministre de facto haïtien Alix-Didier Fils-aimé et son patron au Département d’État américain, Christopher Landau.

Une réponse à cette déclaration datée du 19 novembre du secrétaire d’État adjoint des États-Unis Christopher Landau :

« Les gangs criminels terrorisent Haïti depuis des années, mais la situation s’est aggravée la semaine écoulée, avec des appels à la guerre ouverte contre le gouvernement central. Les États-Unis et d’autres pays de la région et du monde entier ont un message clair : c’en est assez de la violence des gangs et de la destruction, ainsi que des luttes politiques internes. Il est temps maintenant que les dirigeants haïtiens s’unissent contre la menace commune, et quiconque fait obstruction à la voie vers la stabilité politique d’Haïti doit s’attendre à des conséquences de la part des États-Unis et d’autres pays, y compris la révocation des visas ».

Votre déclaration présente la violence des “gangs” comme la menace centrale en Haïti, mais elle omet les réalités structurelles qui ont produit cette crise. Haïti ne s’effondre pas à cause de simples « querelles politiques » : elle s’effondre parce que la communauté occidentale — ayant a sa tête les États-Unis — a soutenu pendant des décennies un modèle politique qui a exclu sa propre population, affaibli ses institutions et externalisé sa souveraineté.

Le secrétaire d’État adjoint des États-Unis d’Amérique Christopher Landau. Yuki Iwamura/Pool via REUTERS

On ne peut pas exiger « l’unité » d’une classe politique dépourvue de légitimité démocratique, et l’on ne peut pas demander aux Haïtiens de « combattre les gangs » alors même que l’État a été démantelé jusqu’à sa quasi-disparition.

Soyons intellectuellement honnêtes :

1) Haïti ne fait pas face à un problème de gangs ; Haïti fait face à un problème de légitimité. Les “gangs” ne sont pas apparus dans le vide. Ils sont la réaction — aussi destructrice soit-elle — à un ordre politique et économique déjà criminalisé.

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Réduire la crise à la « violence des gangs », c’est ignorer : des décennies de gouvernements illégitimes soutenus internationalement, la destruction des institutions locales, l’ingérence étrangère dans la structuration du pouvoir, et l’appauvrissement systématique de la majorité haïtienne.

2) La violence en Haïti a deux visages : structurelle et réactionnelle.

La violence structurelle — corruption, exclusion, austérité importée, destruction de l’État — a créé le vide. La violence réactionnelle — les groupes armés — l’a rempli. On ne peut pas traiter la conséquence tout en refusant de reconnaître la cause.

3) Haïti n’a pas besoin de menaces de révocations de visas.

Le pays a besoin de restaurer sa capacité politique et sa dignité nationale. La coercition n’a jamais stabilisé Haïti. Le partenariat, le respect et une nouvelle architecture démocratique le pourraient.

4) Mais enfin, qui pensez-vous être? À quel moment les États-Unis comprendront-ils qu’Haïti n’est ni leur protectorat, ni leur laboratoire politique, ni leur arrière-cour stratégique? À quel moment cette tutelle prendra-t-elle fin? À quel moment les Amériques cesseront-elles de tolérer que Washington s’adresse à des nations souveraines comme à des colonies?

« Open war »? « Révocations de visas »? Pressions, injonctions, menaces?

Haïti n’est pas — et ne sera jamais — une colonie des États-Unis. Aucun pays des Amériques ne devrait accepter un tel langage impérial.

L’Ambassade des États-Unis à Port-au-Prince

Les mots que vous utilisez sont inacceptables, humiliants et révélateurs d’une posture qui n’a rien à voir avec la coopération internationale. Nous ne sommes pas un peuple à discipliner. Nous sommes une nation qui exige le respect.

5) Ce dont Haïti a besoin, ce n’est pas d’une pression punitive, mais d’un processus légitime, national et inclusif.

Un Dialogue Constituant, réunissant tous les secteurs de la société haïtienne — de l’élite intellectuelle au secteur privé, de la société civile aux communautés marginalisées — est indispensable pour reconstruire une boussole morale nationale et restaurer une cohérence institutionnelle.

On ne peut pas appeler à « l’unité » tout en renforçant un système politique qui exclut 99 % de la population de toute voix authentique.

6) “Quiconque entrave la stabilité politique”?

Soyons clairs. L’instabilité en Haïti a été produite autant par des arrangements politiques imposés de l’extérieur que par des acteurs locaux.

Sanctionner les Haïtiens sans reconnaître la responsabilité internationale ne fait que prolonger le cycle.

En conclusion, Haïti n’a pas besoin de slogans sur l’unité. Haïti a besoin d’une nouvelle grammaire politique, ancrée dans la souveraineté de la pensée, la légitimité nationale, et la reconstruction de la conscience collective.

Si les États-Unis souhaitent réellement la stabilité en Haïti, ils doivent soutenir — et non dicter — un processus haïtien de refondation morale, civique et institutionnelle.

Haïti ne devrait pas être un territoire sous tutelle. Haïti est une nation. Et comme toute nation, elle a le droit — et le devoir — de répondre à l’empire : Respectez notre souveraineté !

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