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Un Projet Constitutionnel PHTK-CPT dangereux : Haïti face à une nouvelle dictature bien ficelée

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A un moment où la crise haïtienne prend une ampleur sans précédent, la classe dirigeante actuelle tente d’imposer un projet de constitution qui, loin de répondre aux aspirations démocratiques du peuple, équivaut à une véritable régression politique. Rédigé dans un contexte de chaos sécuritaire et de délabrement institutionnel, ce texte fondamental vise à instaurer un régime hyperprésidentiel, marginalisant les contre-pouvoirs et réduisant à néant les garanties démocratiques.

Une constitution sans mémoire : L’élimination du 17 octobre, un acte symbolique fort

Avant que le président Jean-Louis Perrot, durant sa courte présidence, ne rétablisse solennellement le 17 octobre comme journée de commémoration en 1845, le nom même de Dessalines était banni du langage national, relégué aux ombres d’un passé que l’oligarchie voulait effacer. Le père de l’indépendance, l’Empereur trahi et assassiné, devait disparaître non seulement des mémoires, mais de l’âme même du peuple qu’il avait arraché aux chaînes coloniales. Il fallut attendre que la terre d’Haïti se souvienne, que les racines de la liberté refassent surface sous le poids du silence imposé.

Et voici qu’en 2025, l’histoire bégaie à nouveau. Un régime sans ancrage, nourri d’opportunisme et avide de contrôle absolu, tente de répéter l’infamie : abolir, par un trait de plume, le 17 octobre du calendrier national. Plus qu’une date, c’est une lignée d’héritage et de résistance que l’on veut arracher. Ce n’est pas un simple oubli, c’est un crime prémédité contre la mémoire collective, une mutilation volontaire du socle identitaire d’Haïti.

Effacer Dessalines, c’est dévitaliser l’ultime flamme révolutionnaire qui, malgré les bourrasques de l’histoire, continue de hanter les consciences. C’est dépouiller le peuple haïtien du dernier bastion de son insoumission originelle. Car Dessalines n’est pas qu’un nom gravé dans les livres : il est la radicalité de l’indépendance, la souveraineté sans concession, l’écho de la parole interdite qui continue de résonner malgré les siècles de trahison.

Supprimer le 17 octobre, c’est nier ce que fut Haïti et ce qu’elle aurait pu être. C’est inscrire dans la pierre un reniement, une soumission à l’ordre qui veut que les peuples libérés redeviennent des captifs, que les chaînes brisées se reforment sous d’autres noms. Mais l’histoire, aussi manipulée soit-elle, n’appartient jamais entièrement à ceux qui prétendent la réécrire. Dessalines, foudroyé mais invaincu, continue d’habiter la terre et le sang de ceux qui refusent l’oubli.

Un Parlement vidé de sa substance : L’abolition du Sénat et la supercherie d’une « Assemblée nationale »

Dans le même élan, cette nouvelle constitution propose de supprimer le Sénat de la République, une institution qui, depuis 1806, a joué un rôle fondamental dans l’équilibre du pouvoir en Haïti. Certes, le bicamérisme haïtien a souvent souffert de dysfonctionnements et de blocages institutionnels, mais l’élimination pure et simple du Sénat ne relève pas d’une volonté de modernisation. Elle témoigne plutôt d’une intention manifeste de concentration du pouvoir, en supprimant une instance qui, même affaiblie, pouvait encore représenter un frein aux dérives autoritaires.

La substitution du Sénat par une chambre unique, pompeusement nommée « Assemblée nationale », n’est qu’une façade. Derrière cette appellation trompeuse se cache en réalité un Parlement réduit à une fonction d’exécution des décisions présidentielles. Ce modèle unicaméral, loin de renforcer l’efficacité du système politique, met fin à la séparation des pouvoirs et transforme la législature en simple chambre d’enregistrement.

Un pouvoir présidentiel absolu : Un pas de plus vers l’autoritarisme

La structure institutionnelle que dessine ce projet repose sur une présidence omnipotente, un exécutif sans contrepoids, capable de gouverner par décret et d’imposer ses décisions sans véritable contrôle parlementaire. Une telle configuration rappelle dangereusement les régimes dictatoriaux du passé, où l’Exécutif s’arrogeait tous les pouvoirs sous prétexte d’assurer la stabilité.

Or, l’histoire politique récente démontre que l’accumulation excessive de pouvoir ne mène pas à l’ordre, mais à l’arbitraire. En Haïti, où les institutions sont déjà affaiblies et gangrenées par la corruption, l’adoption d’un tel modèle ouvrirait la voie à une gouvernance sans garde-fou, où le président disposerait d’une latitude quasi illimitée pour modeler le pays selon ses intérêts et ceux de son entourage.

Une réforme imposée dans un climat de peur et de violence

Il est impossible de dissocier ce projet de constitution du contexte dans lequel il est conçu. Haïti traverse une crise sécuritaire d’une intensité sans précédent : les gangs contrôlent de vastes portions du territoire, les institutions de l’État sont en lambeaux, et la population est réduite à l’impuissance face à la montée de la violence.

Dans ce climat d’instabilité, la classe dirigeante cherche à instrumentaliser le chaos pour imposer un texte qui aurait été impensable en temps normal. La peur généralisée et l’épuisement psychologique des citoyens deviennent ainsi des outils de gouvernance, permettant de faire passer des réformes sans véritable consultation populaire.

Un référendum anticonstitutionnel : Un coup de force contre la légitimité démocratique

La volonté d’adopter cette nouvelle constitution par voie référendaire constitue une violation directe de la Constitution de 1987, qui interdit explicitement tout référendum constitutionnel. Ce point est fondamental, car il démontre que l’Exécutif actuel ne cherche même plus à dissimuler ses intentions de contournement des règles établies.

En procédant ainsi, le régime en place envoie un message clair : la légalité et la légitimité démocratique sont devenues des obstacles à son projet, et il entend les balayer d’un revers de main. Cette stratégie n’est pas sans rappeler les méthodes utilisées par d’autres régimes autoritaires à travers le monde, où des changements constitutionnels sont imposés par des voies détournées afin de pérenniser le pouvoir en place.

Les conséquences : Haïti vers une nouvelle ère de pauvreté et de dépendance

Si ce projet de constitution venait à être adopté, il aurait des conséquences désastreuses pour Haïti. Sur le plan économique, la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme favoriserait l’accaparement des ressources nationales par une élite restreinte, au détriment du développement et de la redistribution des richesses. La pauvreté, déjà endémique, ne ferait que s’aggraver, accentuant les inégalités et la dépendance du pays à l’aide internationale.

Sur le plan politique, l’absence de contre-pouvoirs institutionnels signifierait la fin de toute véritable alternance démocratique. Loin d’instaurer un État fort et efficace, cette réforme consacrerait un régime où la contestation serait muselée, où les décisions seraient prises en cercle fermé, et où la population se verrait privée de tout recours face aux abus du pouvoir.

Enfin, sur le plan social, l’érosion des repères historiques et l’effacement des symboles de la souveraineté nationale affaibliraient encore davantage le sentiment d’appartenance collective. Un peuple sans mémoire est un peuple vulnérable, et c’est précisément ce que vise cette réforme : rendre les Haïtiens plus fragiles face aux manipulations du pouvoir.

Haïti face à son destin : une mobilisation nécessaire

L’avenir d’Haïti se joue aujourd’hui. Si ce projet de constitution est adopté sans résistance, il pourrait sceller le sort du pays pour les décennies à venir. Loin d’être un simple ajustement institutionnel, cette réforme est une tentative de verrouillage du pouvoir, une manœuvre visant à assurer la pérennité d’une gouvernance autoritaire sous le couvert d’une prétendue modernisation.

Les Haïtiens doivent refuser cette confiscation du pouvoir. Il ne s’agit pas seulement d’une question de gouvernance, mais d’un choix de société : veulent-ils un État où la voix du peuple est entendue et respectée, ou un régime où les décisions sont prises dans l’opacité et l’arbitraire ?

L’heure est à la vigilance et à la mobilisation. Car si cette constitution passe, il faudra sans doute attendre quarante ans, voire plus, avant d’espérer un retour à la démocratie. Et Haïti, déjà plongée dans l’abîme, ne pourra peut-être jamais en sortir.

Le texte du projet de la Constitution PHTK-CPT sera mis en pièces dans une prochaine analyse.

Rezo Nòdwès

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