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Absence de promulgation et inopposabilité juridique : l’accord du 3 avril frappé d’ineffectivité normative
La gouvernance du Conseil Présidentiel de la Transition (CPT) en Haïti traverse actuellement une impasse juridique et institutionnelle sans précédent. En effet, la non-publication de l’Accord du 3 avril 2024 au Journal Officiel Le Moniteur évoque en filigrane une problématique de droit public : peut-on exercer le pouvoir et engager la souveraineté populaire sans un fondement normatif formellement établi ? Cette lacune expose le CPT à un manque de légalité et de légitimité, rendant nulles et non avenues ses tentatives d’organiser un référendum ou des élections générales en mai et novembre 2024. Dans l’état actuel du droit haïtien, aucune norme juridique nationale ne confère de compétence explicite à cet organe pour convoquer le peuple aux urnes, mettant en évidence le caractère ultra vires de ses décisions et le risque d’une rupture avec les principes fondamentaux de l’État de droit.
En droit administratif et constitutionnel, la publication des normes juridiques est un principe cardinal, garant de la transparence et de la sécurité juridique. L’article 1 du Code civil haïtien stipule que les lois doivent être promulguées et publiées pour entrer en vigueur. L’absence de publication de l’Accord du 3 avril, qui est l’acte fondateur du CPT, rend juridiquement inexistante l’autorité qu’il confère à cet organe de transition. Par conséquent, toute décision prise sur cette base est entachée d’incompétence négative, puisqu’elle se fonde sur une norme inopposable aux citoyens et aux institutions. En ne respectant pas cette exigence de publicité légale, le CPT se livre à une pratique de gouvernance coutumière dépourvue de valeur juridique contraignante, ce qui menace gravement l’ordre public haïtien.
L’incompatibilité du référendum avec l’architecture constitutionnelle haïtienne
La configuration actuelle démontre clairement un paradoxe institutionnel fondamental : un gouvernement ne peut pas invoquer la souveraineté populaire pour justifier ses actions sans base légale établie. En l’absence de référence constitutionnelle ou législative, le CPT ne peut légalement appeler le peuple aux urnes. Cette carence normative le place dans une zone grise, où les décisions qu’il prend relèvent plus du compromis politique que d’un véritable acte juridique opposable aux citoyens. Ce décalage entre l’effectivité du pouvoir et l’absence de légalité formelle a abouti à un effondrement progressif de l’autorité de l’Etat, plaçant Haïti dans un état d’instabilité juridique chronique.
Dans toute démocratie constitutionnelle, la validité des actes gouvernementaux repose sur un corpus juridique qui en définit les contours et les limites. L’incapacité du CPT à fournir une base normative claire pour ses décisions révèle non seulement un vide juridique, mais aussi une crise institutionnelle profonde, où l’exception devient la règle. Sans un cadre législatif et constitutionnel défini, l’avenir politique d’Haïti reste incertain, pris dans un labyrinthe normatif dont il sera difficile de sortir sans une réelle refonte juridique.