Home Haiti D’un processus électoral à l’autre, la saga continue (17)

D’un processus électoral à l’autre, la saga continue (17)

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Le mardi 20 mai 2025, le ministre délégué aux affaires électorales et constitutionnelles, Joseph André Gratien Jean à la neuvième édition « des mardis de la Nation »

Devant un parterre d’autorités locales, des membres de la Société civile et des curieux, le Premier ministre, Didier Alix Fils-Aimé, lors de sa visite dans la ville d’Antoine Simon, a martelé sa foi dans les élections en répétant à tue-tête : « élections libres, honnêtes, inclusives et démocratiques, condition indispensable à la refondation républicaine ». Venu témoigner la solidarité de son gouvernement à la population du Grand-Sud et dire l’engagement des autorités de Port-au-Prince à organiser les élections avant la fin de l’année 2025, le Premier ministre redit la conviction du pouvoir à redresser le pays.

De retour dans la capitale, son service, dans un long communiqué, a souligné et rappelé la mission des chefs de la Transition à la tête du pays, entre autres, la position et la vision du Premier ministre : « La transition que je conduis a une feuille de route claire : sécurité, Constitution, élections. Il n’y aura pas de recul. Nous avons pris la voie des élections, et nous n’en dévierons pas. 

Plus de 65 millions de dollars américains sont déjà mobilisés pour les opérations électorales, et un appui de 750 millions de gourdes est prévu pour accompagner les partis politiques. De surcroît, des moyens sans précédent ont été débloqués pour renforcer les capacités opérationnelles de la Police nationale et des Forces armées. L’élection n’est pas seulement l’affaire du gouvernement. C’est l’affaire du peuple. C’est la base de toute gouvernance légitime. Ce discours tenu aux Cayes incarne la vision d’un chef de Gouvernement déterminé, à l’écoute de la Nation et profondément convaincu que seule la souveraineté populaire peut sortir Haïti de l’impasse actuelle. Sa présence dans le Grand Sud témoigne de sa proximité avec les territoires et de sa volonté de bâtir l’avenir national à partir des forces vives régionales » disait le communiqué de la Primature daté du 7 mai 2025.

Le 9 mai, le chef du gouvernement qui a fait une raison sur la loupée du référendum tentait de reprendre la main et voulait démontrer à l’opinion publique que les autorités n’ont pas fait pour autant une croix sur le projet de la réforme constitutionnelle. Il a tenu une réunion de travail avec la plupart de ses ministres et les Représentants de l’UNESCO et de l’ONU femme en Haïti. Autour de la table, étaient conviés Joseph André Gratien Jean, le ministre chargé des questions électorales et constitutionnelles, Mme Lynn Sarah Devalis Octavius, ministre de la Jeunesse, du Sport et de l’Action Civique (MJSAC) et Mme Pédrica Saint-Jean, ministre à la Condition féminine et aux Droits des femmes. Cette réunion portait sur l’organisation du référendum et des prochaines élections et l’apport que l’ONU, à travers ces deux organismes présents en Haïti – UNESCO et ONU Femme -, peut apporter comme soutien durant le processus.

Le même jour, le Premier ministre a annoncé que le Comité de pilotage de la Conférence Nationale devrait bientôt soumettre au gouvernement le fameux Projet de la réforme constitutionnelle dont il a la charge et sitôt après, le décret présidentiel sur le référendum devrait être débattu lors d’un Conseil des ministres à la Villa d’Accueil, servant de siège provisoire à la présidence de la République.

Ce même 9 mai, Didier Fils-Aimé devait saluer le travail du Conseil Electoral Provisoire qui a fait un travail formidable, selon lui. Survint le 11 mai 2025. Officiellement, il n’a eu aucune communication de la part des autorités sur la non-tenue du référendum. Ce dimanche 11 mai est passé comme un dimanche ordinaire en Haïti. Mais, de l’autre côté des rives haïtiennes, à Washington DC, une voix se fait tout de même entendre, c’est celle de la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen, membre de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain. Cette élue américaine a manifesté après coup son inquiétude de la non-tenue du scrutin et elle a réalisé finalement qu’il est irréaliste de penser qu’il peut y avoir des élections cette année en Haïti.

Séance de travail du Premier Ministre Monsieur Alix Didier Fils-Aimé avec la plupart de ses ministres et les Représentants de l’UNESCO et de l’ONU femme en Haïti.

Dans un courrier adressé le 11 mai 2025 au nouveau Secrétaire d’Etat (ministre des affaires étrangères) américain, Marco Rubio, la sénatrice écrit : « Je suis également préoccupée par le fait que les plans actuels pour le référendum et les élections de cette année ne sont pas réalistes compte tenu des conditions de sécurité actuelles, et sont donc très vulnérables à l’infiltration criminelle. Ce qui risque de saper la légitimité démocratique de la future Constitution et du futur gouvernement d’Haïti. Une fois que les conditions seront réunies pour que les élections se déroulent de manière sûre, libre et équitable, les États-Unis devraient s’associer à l’Organisation des États Américains (OEA) pour envoyer une mission d’observation électorale et fournir un renforcement des capacités au Conseil Électoral Provisoire. » 

Mais, bien longtemps avant la découverte tardive par la sénatrice Jeanne Shaheen de la gestion au coup par coup du Conseil Présidentiel de Transition haïtien, son compatriote en poste dans la capitale haïtienne et grand connaisseur de la classe politique haïtienne, l’ambassadeur Dennis B. Hankins, avait déjà sonné la sonnette d’alarme en disant ce qu’il pensait de l’équipe au pouvoir à Port-au-Prince. Lors d’un entretien commun avec un pool de journalistes en Haïti à l’approche de la date du 11 mai, celui qui était encore ambassadeur des Etats-Unis en Haïti avait déclaré sans langue de bois qu’: « Il n’y avait pas de plan crédible pour restaurer les institutions. C’est une question maintenant de 278 jours avant le 7 février 2026 où il est prévu d’avoir un Président élu et de nouvelles institutions. Il est nécessaire que le gouvernement dispose d’un plan crédible pour restaurer les institutions démocratiques. Nous voyons les difficultés de cette Transition. Nous sommes à quelques mois de la fin du mandat de cette administration. Au commencement, j’ai vu une certaine attitude de toutes les forces vives à travailler ensemble pour l’intérêt national. De plus en plus, on voit que les intérêts de partis, d’individus rendent difficile ce travail. Les conflits et complications au sein du CPT compliquent les progrès. Nous voyons que le temps est limité alors qu’il faut avoir des idées originales sur comment rétablir les institutions démocratiques et constitutionnelles en Haïti. J’espère qu’à la fin de ce processus de Transition on ait quelque chose qui soit plus démocratique, plus constitutionnel que maintenant. »

C’est plus qu’une critique, c’est une condamnation de la part de ce diplomate chargé de faire appliquer, à juste titre, la politique de l’Oncle Sam en Haïti. Le 12 mai 2025, plusieurs partis politiques d’organisations sociopolitiques et de la Société civile ont dénoncé, dans une note de presse, la non-tenue du référendum.

Certes, ils n’étaient pas tous favorables à cette initiative. Mais, profitant de l’échec des autorités sur ce dossier, ils demandent des comptes. Ces organisations réclament la transparence en exigeant la publication d’un Rapport sur les fonds qui ont été dépensés à cet effet. « Le pays ne peut plus se permettre de dérives, d’opacité ni de promesses non tenues. Les autorités sont appelées à agir sans délai, en concertation avec les forces vives de la nation, pour éviter un enfoncement encore plus profond dans la crise actuelle » ont-elles souligné dans leur note du 12 mai 2025. En tout cas, si les autorités gardaient le silence durant la journée du 11 mai, on peut dire qu’elles ont été très actives dès le lendemain.

Comme on l’avait noté auparavant, la présidence de la République qui cherchait à se dédouaner de l’échec et cherchait quelqu’un pour faire porter le chapeau, avait fait parvenir, le lundi 12 mai 2025, une correspondance assez acerbe au Président du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, Me Enex Jean-Charles, lui reprochant son silence depuis quelque temps et surtout le retard pris dans la livraison du Projet de la nouvelle Constitution. Une démarche du Collège présidentiel qui a payé puisque, sans trop tarder, le Comité allait faire diligence pour rendre un avant-projet constitutionnel à l’Exécutif les jours suivants. Après cette première quinzaine du mois de mai, tout le monde s’est fait une raison: il faudra avancer en dépit de l’échec des autorités sur la date du 11 mai.

Le 20 mai, justement, à l’occasion de la neuvième édition de ce que les autorités appellent « Les Mardis de la Nation », le gouvernement, par l’entremise de son ministre délégué aux affaires électorales et constitutionnelles, Joseph André Gratien Jean, relance le processus, cette fois-ci sans avancer une date précise. Se faisant le chantre des joutes électorales, la Primature rouvre à nouveau le débat. Durant ce grand oral devant les journalistes, le ministre a fait un récapitulatif de ce qui a déjà été fait pour le référendum avorté. Il a conclu avec l’annonce que le « Comité de pilotage de la Conférence Nationale s’apprête à remettre à l’Exécutif le document issu de larges consultations menées auprès des forces vives de la nation ». A la fin de ce Ti koze anba tonèl version CPT, la Primature a publié un long communiqué dans lequel elle a fait un résumé de ce qui a été dit par les principaux intervenants gouvernementaux.

« Le gouvernement de la République, avec le concours du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), réaffirme son attachement au respect des principes républicains, à la restauration de l’autorité de l’État et à la stabilité institutionnelle. Il entend poursuivre, avec rigueur et responsabilité, le processus de retour à l’ordre démocratique, dans le strict respect des lois et de la souveraineté populaire. L’installation progressive et fonctionnelle des structures référendaires et électorales à travers le pays – BRD, BRC, BED, BEC – par le Conseil Électoral Provisoire (CEP), garantissant une couverture institutionnelle équitable et efficace ; la finalisation du projet de décret référendaire, dont l’adoption imminente en Conseil des ministres marquera une étape déterminante vers la tenue du scrutin constitutionnel et la mobilisation sur le terrain des Conseillers électoraux en vue d’assurer la formation des agents électoraux, en prélude à la mise en œuvre des opérations électorales à l’échelle nationale. La réception d’un lot stratégique de matériel électoral, comprenant notamment 15 000 tablettes numériques destinées à faciliter et sécuriser le travail technique du CEP et de ses membres territoriaux. Toujours dans la journée du mardi, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a visité les locaux du Conseil Électoral Provisoire à Pétion-Ville. Ce déplacement témoigne de la volonté résolue du gouvernement de placer l’organisation du référendum constitutionnel et des élections générales au cœur de la transition politique. Le Premier ministre a appelé l’ensemble des forces vives de la nation à accompagner le processus avec responsabilité, patriotisme et foi dans les valeurs républicaines. Haïti a rendez-vous avec son avenir. Le gouvernement assume pleinement sa mission historique » indiquait la Primature dans ce communiqué daté du 20 mai 2025.

Voulant vérifier par lui-même, après toutes ces annonces, le Premier ministre a pris son bâton de pèlerin et s’est rendu le vendredi 30 mai 2025, dans les entrepôts du CEP où sont stockés les équipements électoraux sensibles et non sensibles, à savoir : isoloirs, encre indélébile, urnes, crayons, lampes, etc.

Au cours de cette visite des lieux, le chef du gouvernement a constaté que 9 conteneurs de matériel électoral étaient disponibles et déjà classés par département, prêts à être envoyés dans les différentes régions du pays. Sans oublier les 15 mille tablettes numériques dont on a déjà fait mention. Accompagné comme il se doit de quelques Conseillers électoraux, lors de cette visite technique ce vendredi 30 mai, le locataire de la Primature devait expliquer que le gouvernement a économisé plus de quatre cent millions de gourdes compte tenu que beaucoup de ces matériels étaient déjà disponibles depuis 2021 pour les scrutins qui n’ont jamais eu lieu. A l’issue de cette visite dans les locaux techniques du CEP, un communiqué émis par la Primature expliquait qu’: « À travers ces initiatives concrètes, l’État réaffirme sa volonté de restaurer l’ordre constitutionnel, de renforcer la participation citoyenne et de garantir un processus électoral transparent, crédible et inclusif. L’exécutif poursuit la mise en œuvre des engagements du Gouvernement en vue de l’organisation du référendum constitutionnel et des prochaines élections générales. » 

Ce que les autorités ne disent pas, c’est que toutes ces initiatives qu’elles multiplient à travers des déplacements dans les lieux symboliques et autres communications sur les élections interviennent dans un contexte où elles sont très fragilisées et frappées d’une perte de confiance de la part de la population après l’échec de la non-tenue du référendum du 11 mai. Dans la foulée, on apprenait que le Directeur général de l’Office National d’Indentification (ONI), Reynold Guerrier, a annoncé que la production de la Carte d’Identification Nationale (CIN) qui se faisait uniquement à Port-au-Prince depuis toujours, allait pouvoir se produire aussi dans le Grand-Nord (Cap-Haïtien, et Saint-Marc), Grand-Sud (Les Cayes) et …New York, (USA). Cette décentralisation de la production des Cartes électorales – quatre Centres de production supplémentaire -, devrait permettre à l’ONI de monter en puissance de capacité afin d’augmenter le nombre de Cartes au bénéfice de la population dans le cadre du référendum et des élections générales.

(À suivre)

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