Home Haiti Échec et mat : Dr Jean Palème Mathurin sur l’échiquier haïtien

Échec et mat : Dr Jean Palème Mathurin sur l’échiquier haïtien

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Le Dr Jean Palème Mathurin est peut-être l’homme le plus dangereux pour Haïti en ce moment non parce qu’il est visible comme un ennemi armé, mais parce qu’il occupe les coulisses où se décident les règles du jeu.

Le mercredi 2 avril 2025, le docteur en économie Jean Palème Mathurin, ancien candidat à la présidence aux élections de 2015, lançait à Pétion-ville le Mouvement pour la réconciliation et la reconstruction nationale (MORN).

Le but que veut poursuivre ce nouveau parti est ainsi libellé : « Dans le court terme, le MORN veut mobiliser ses membres et la société, afin de renverser le pouvoir politique dirigé par le CPT et mettre en place un exécutif dirigé par un Juge de la cour de cassation, un gouvernement de salut public et inclusif, assisté d’un Conseil national de surveillance (CNS) faisant le contrepoids à l’exécutif. Ce qui revient à harmoniser les intérêts des communautés à partir des réformes institutionnelles et organisationnelles requises, pacifier le Pays, briser les chaînes de la violence étatique et criminelle, relancer la production et le travail, sécuriser les vies et les biens, réconcilier les Haytiens et remettre le Pays en mode de fonctionnement utile » ; dès lors on pouvait constater que ce n’est pas du neuf mais l’expression d’une continuité dans la dépendance du pays sous la domination de l’impérialisme américain.

Dans le document du MORN, on pouvait lire ceci : « Nous avons constaté : L’incapacité du pouvoir actuel (CPT et Gouvernement) à rétablir l’ordre et la sécurité attendus par toutes les Haïtiennes et tous les Haïtiens ; l’impossibilité que des élections crédibles puissent être tenues au niveau national dans les deux à trois prochaines années ; l’instabilité politique chronique du pays provient et résulte, notamment, de la confusion entretenue par la trop grande multitude de partis politiques ; l’urgence de mettre fin aux assassinats, massacres et aux blocages à la circulation au niveau du territoire national ; nous reconnaissons que notre Pays Hayti peut offrir à chacun de ses Citoyens un emploi, un cadre de vie agréable, une société inclusive dans une ambiance politique et culturelle saine et progressiste ».

Il ne s’agit pas d’une accusation hâtive, mais d’une exigence de transparence rationnelle. Les faits, replacés dans leur chronologie et leur configuration institutionnelle, révèlent une zone d’ombre d’une gravité exceptionnelle chez le Dr Jean Palème Mathurin, un ancien cadre de la Primature haïtienne, un spécialiste dans la création de zone franche, un cadre de l’Unité Technique d’Exécution (UTE) du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF), directeur-fondateur de la firme privée Erice AZ, bénéficiaire d’un contrat financé par la Banque Interaméricaine de Développement (BID) dans le cadre du Plan d’Action de Réinstallation (PAR) du Parc Industriel de Caracol.

Cette dualité de fonctions place un individu au cœur du système technocratique haïtien, avec un accès direct aux flux de capitaux internationaux et la possibilité d’influencer les décisions administratives dans un contexte de faible gouvernance.

Rien n’est plus dangereux pour un État affaibli qu’un technocrate invisible disposant à la fois de la clé et de la serrure du coffre.

I. Les faits établis

  1. Double positionnement : Le Dr Mathurin a exercé un rôle de coordination au sein de l’UTE/MEF — structure chargée de la gestion des projets financés par la Banque interaméricaine de Développement (BID) et la Banque mondiale — tout en étant directeur-fondateur de Erice AZ, firme contractée pour l’exécution du Parc industriel de Caracol (PIC), financé par les mêmes bailleurs. Cet économiste en chef de la Primature haïtienne pendant la période 2006 à 2011, a dirigé l’équipe gouvernementale qui a négocié pour concrétiser la construction de cette nouvelle infrastructure dans le Nord.
  1. Traçabilité documentaire : Le document officiel du PARC précise : « Activités exécutées selon les TDR d’Erice AZ. » Cette mention établit un lien direct entre la firme privée du Dr Mathurin et le dispositif institutionnel où il opérait.
  2. Origine des fonds : Les financements de la BID transitaient par le compte-projet géré par l’UTE — le même organe administratif susceptible d’avoir autorisé des paiements vers la firme dirigée par Mathurin.
Le Dr Jean Palème Mathurin, un ancien cadre de la Primature haïtienne, un spécialiste dans la création de zone franche

II. Le risque systémique

Ce n’est pas la légalité formelle qu’il faut questionner, mais la concentration de pouvoir que cette configuration rend possible.

Trois risques majeurs en découlent :

  1. Capture technocratique : l’UTE devient un instrument d’intérêts privés sous couverture institutionnelle.
  2. Neutralisation de la gouvernance : l’État perd le contrôle sur les circuits de décaissement et la sélection des projets.
  3. Institutionnalisation de la dépendance : ce type de montage renforce la logique des lois HOPE/HELP — un modèle où Haïti ne produit pas pour elle-même, mais pour entretenir un système de sous-traitance structurelle, contrôlé depuis l’extérieur.

Ce schéma révèle une stratégie d’influence progressive, non spectaculaire mais profondément corrosive : la transformation de la technocratie en pouvoir occulte d’allocation.

III. Les questions essentielles

Le Dr Mathurin doit répondre à trois questions simples :

  1. À quelle date exacte a-t-il cessé toute fonction au sein de l’UTE?
  2. Quelle est la nature contractuelle précise entre UTE et Erice AZ?
  3. A-t-il déclaré un conflit d’intérêts auprès de la BID, du MEF ou de toute instance de gouvernance?

Les réponses à ces questions détermineront s’il s’agit d’une négligence administrative ou d’un mécanisme délibéré de capture. Son silence, à ce stade, aurait valeur d’aveu implicite.

IV. Les implications structurelles

Perte de souveraineté : l’UTE, opérant hors du budget national, contrôle les décaissements des bailleurs (BID, Banque mondiale, et AFD). Celui qui contrôle la clé contrôle l’État.

Risque de rente contractuelle : les projets internationaux deviennent un marché fermé pour un cercle d’initiés.

Opacité fiduciaire : les TDR, contrats et avenants ne sont pas accessibles au public.

Affaiblissement démocratique : les grandes décisions financières échappent au Parlement, à la Cour des Comptes et à la presse.

Réplique systémique : ce modèle peut s’étendre à d’autres secteurs — zones franches, infrastructures, énergie, foncier — créant un pouvoir parallèle hors du contrôle républicain.

Ce schéma, s’il se confirme, ne relève plus d’une simple irrégularité. Il s’agit d’une architecture de contrôle économique, un outil de tutelle travesti en coopération.

Le problème n’est pas seulement un individu, mais un mécanisme. Cependant, lorsqu’un homme concentre en lui la fonction de contrôle et d’exécution, il devient le point nodal d’un dispositif de captation que la nation doit neutraliser pour survivre.

En d’autres termes, le Dr Mathurin veut occuper à la fois la porte du coffre et la clé du coffre, il incarnerait ce mécanisme et deviendrait, en fait, l’un des points névralgiques que la nation doit neutraliser pour survivre.

V. Ce que nous exigeons

Seule la transparence totale permettra de distinguer le fonctionnaire du stratège.

Nous ne demandons pas la vindicte ; nous demandons la clarté, la responsabilité, la justice. Si nos institutions ne reprennent pas le contrôle, si les bailleurs continuent de fermer les yeux, la démocratie haïtienne ne sera plus qu’un simulacre : une façade de procédures dissimulant la dissolution de la souveraineté.

En ce qui concerne le Dr Jean Palème Mathurin il ne s’agit pas seulement d’une question d’éthique : il s’agit plutôt, aujourd’hui, d’un test pour l’État haïtien. Saurons-nous exiger vérité et réparation? Ou laisserons-nous la capture technocratique sceller notre destin longtemps encore?

Je n’appelle pas à juger sur base d’indices ; j’exige une procédure publique et rapide pour lever toute ambiguïté. Les mesures suivantes sont nécessaires dès maintenant.

Mathurin lors du lancement à Pétion-ville le 2 avril 2025, du Mouvement pour la réconciliation et la reconstruction nationale (MORN)

Nous demandons :

  1. Audit public et indépendant du contrat PAR / Erice AZ (dates, séquences, paiements, communications).
  2. Publication intégrale des contrats, TDR et avenants sur une plateforme consultable en ligne.
  3. Gel temporaire des paiements liés au projet Caracol le temps de l’audit.
  4. Vérification de conformité avec le décret haïtien de 2005 et les règles BID GN-2349-9.
  5. Enquête administrative au MEF et, si nécessaire, procédure judiciaire pour conflit d’intérêts.
  6. Obligation légale de déclaration publique d’intérêts pour tous les cadres de l’UTE/MEF.
  7. Mécanisme de surveillance citoyenne : universités, société civile, presse économique.
  8. Exigence adressée à la BID : publication de tous les échanges et décisions relatifs au projet Caracol.

Sans cela, cette affaire devra être considérée non comme une dérive, mais comme une architecture de capture systémique.

VI. Pourquoi agir immédiatement?

Laisser la situation en l’état, c’est accepter la pérennisation d’un modèle de gouvernance qui normalise l’impunité ; transforme l’aide en rente privée ; rend toute politique de souveraineté industrielle impossible ; et prépare la prochaine génération d’expropriations.

Celui qui enferme l’État dans un rôle d’administrateur pour les bailleurs et permet la captation répétée des projets devient plus dangereux que n’importe quel agitateur de rue parce qu’il verrouille les futures trajectoires économiques et politiques du pays.

Le Dr Jean Palème Mathurin est peut-être l’homme le plus dangereux pour Haïti en ce moment non parce qu’il est visible comme un ennemi armé, mais parce qu’il occupe les coulisses où se décident les règles du jeu : les flux financiers internationaux, les infrastructures stratégiques, les chaînes d’assemblage, les normes de passation. S’il verrouille ces leviers sans reddition de comptes, Haïti cessera d’être gouvernée — elle sera administrée à distance pour d’autres intérêts.

VII. Conclusion

Le Dr Mathurin n’est pas un acteur ordinaire. S’il détient à la fois la clé de l’UTE et la main sur une firme bénéficiaire, il incarne une forme de pouvoir parallèle : celle d’une technocratie contractuelle transformée en oligarchie administrative, capable de réorienter, détourner ou verrouiller les flux financiers internationaux au détriment de la souveraineté haïtienne.

Son danger ne réside pas dans la force visible, mais dans la subtilité de sa position — là où la légalité sert de paravent à la mainmise.

Haïti a connu des dictateurs bruyants ; elle fait face aujourd’hui à une forme plus silencieuse de domination : la technocratie contractuelle.

Si ce système n’est pas démantelé, le pays sera réduit à une zone gérée, non souveraine, pilotée depuis les circuits financiers qu’il ne contrôle plus.

Seule la transparence, l’accès complet aux données et la reddition publique des comptes permettront de trancher.

Tout le reste – silence, justification partielle ou communication contrôlée – ne fera que confirmer l’hypothèse : le Dr Jean Palème Mathurin est aujourd’hui l’un des hommes les plus dangereux pour l’avenir institutionnel d’Haïti.

Note finale

Si le docteur Mathurin parvient à verrouiller ce contrat et d’autres similaires, il deviendra non seulement un businessman, mais un nouvel acteur d’État parallèle — contrôlant, via l’UTE et les bailleurs, les flux qui déterminent la survie même du pays. Et dans cette partie d’échecs, il n’y a plus de rois ni de pions : seulement des mains invisibles qui déplacent les pièces et un peuple qui paie la défaite.

Le point d’échec imminent : L’UTE détient la clé du coffre — l’UTE contrôle l’accès aux décaissements des bailleurs (BID, BM, AFD).

Qui contrôle la clé contrôle la distribution. Lorsqu’un technocrate de l’UTE a des liens directs avec une firme bénéficiaire, le risque de capture du processus est maximal.

Apparence d’impunité institutionnelle — l’UTE opère hors budget national, sous procédures des bailleurs, avec peu de reddition de comptes publiques : condition idéale pour que des décisions favorables restent invisibles.

Effet multiplicateur sur la dépendance — Caracol et les programmes HOPE/HELP ont montré comment des décisions “techniques” deviennent des leviers de dépendance économique (salaires bas, absence de montée en gamme, importations massives).

La capture d’un projet stratégique par un intérêt privé interne reproduit et renforce ce modèle.

Affaiblissement de l’État — quand l’organe censé garantir la transparence du projet est lié à l’un des fournisseurs, l’État perd sa capacité de gouverner : les décisions se prennent hors du cadre démocratique et pluriel.

Risque systémique — ce n’est pas un contrat isolé : une fois le mécanisme établi (technocrate → firme → projet financé), il devient la méthode, pas l’exception.

Autrement dit : on institutionnalise la capture.

Collectivement, ces mécanismes montrent que le danger n’est pas seulement financier ; il est stratégique et politique : il porte sur la capacité d’Haïti à reprendre la main sur son développement.

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