
Le Conseil présidentiel de transition (CPT) haïtien, composé de neuf membres et mis en place par les États-Unis, expire dans trois mois, le 7 février 2026. À cette date, un gouvernement élu devait être installé.
Il n’y a pas eu d’élections en Haïti depuis 2016 et le mandat de tous les élus – exécutifs, parlementaires et municipaux – est arrivé à échéance.
En septembre 2024, sous l’ancien Premier ministre Garry Conille, désormais remplacé au sein du CPT, un nouveau Conseil électoral provisoire (CEP) a été nommé. Cependant, plus d’un an après, aucun progrès n’a été réalisé. Le président du CEP, Jacques Desrosiers, a déclaré sur Radio Mega le 31 octobre qu’« il est matériellement impossible de tenir des élections avant le 7 février ». Pourtant, le même jour, le CEP publiait un projet de décret électoral établissant les règles et modalités du scrutin, informant les Haïtiens, via un communiqué sur sa page Facebook, qu’ils avaient jusqu’au 10 novembre à 17 h pour faire part de leurs commentaires, en personne, à son siège de Pétionville.
Cette situation absurde et contradictoire résulte de la rencontre, le 18 octobre 2025, entre l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, Henry Wooster, flanqué de quatre membres de son équipe, et l’ensemble du CPT ainsi que son Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé. Washington a donné pour instruction aux autorités haïtiennes de facto de tout mettre en œuvre pour donner à l’État haïtien, dépourvu de dirigeant, une apparence démocratique, afin de couvrir les 5 500 soldats de la Force de répression des gangs (GSF) que Washington est en train de constituer pour écraser la rébellion armée des bidonvilles d’Haïti.
L’écrivain et influenceur Kervens Louissaint a publié une déclaration qui, selon nous, reflète le sentiment de la plupart des Haïtiens à l’égard du CEP et de ses actions récentes. (Kim Ives)
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Le Conseil électoral provisoire d’Haïti, sans fondement légal, sans peuple, sans mandat, sans conscience, invite la « société civile » à venir prendre son projet de décret électoral et à donner son avis sur un document rédigé par une bande de bourgeois serviles, alors que le peuple meurt de faim.
On les entend parler de prétendues « élections » alors que le pays est complètement ravagé, que des enfants courent sous les balles et souffrent de la faim, et que la majorité de la population n’a même pas de carte d’identité.
Ces « élections » auront lieu avec qui ? Dans quel pays ?
Peut-être procédez-vous de la même manière que vous nommez des agents intérimaires à tout-va ?

Soyons francs : ce qu’ils appellent les « prochains tours électoraux » n’est pas la démocratie, c’est une mascarade diplomatique, un jeu de dupes pour satisfaire ceux qui vous financent, à savoir l’ambassade des États-Unis.
Ils savent très bien que le CPT est un organe anticonstitutionnel. Ils savent pertinemment que le pays est sous occupation militaire, politique et morale, mais ils persistent à vouloir lui donner un air de « normalité » pour blanchir la trahison.
Chaque élection est le même piège : ils obligent le peuple à « choisir » parmi une poignée d’opportunistes triés sur le volet, et ils prétendent que c’est la « volonté populaire ».
Nous disons non. Nous ne cautionnerons pas cette mascarade. Nous ne voterons pas, nous ne participerons pas. Car participer à des mensonges, c’est trahir la mémoire de nos ancêtres. C’est détruire les derniers vestiges de la dignité de notre nation.
Ceux qui parlent d’« élections » dans ce pays aujourd’hui sont soit complices, soit fous, soit corrompus. Car on ne peut bâtir la démocratie sur le cadavre du président Jovenel Moïse, sur un territoire sans justice, sur un peuple sous domination, sans souveraineté.
Nous n’avons pas besoin de nouvelles « élections ». Nous avons besoin de la fin de ce système dirigé par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Banque de la République d’Haïti (BRH).
Nous devons déraciner tout ce qui engendre le mensonge, tout ce qui sert les intérêts étrangers contre le peuple.
Ce CEP n’est pas indépendant. C’est un théâtre politique, une caricature de la démocratie, une farce, un acte cynique perpétré sur la tombe du père fondateur Jean-Jacques Dessalines, assassiné le 17 octobre 1806, un affront au sang de tous les enfants du peuple tombés sous les balles de « l’État », tandis que les politiciens signent des contrats avec des étrangers à huis clos.
Nous nous souvenons de notre histoire : eux, les affranchis bourgeois, ont tué Dessalines, vendu le pays et continuent de manipuler le peuple en l’obligeant à voter contre lui-même.
Ce qu’ils appellent le CEP n’est pas une institution, mais le secrétariat de l’occupation, une sorte de zombification politique, une poignée d’individus rédigeant des documents pour plaire à Washington et à ses vassaux de l’OEA et de la CARICOM.
Ils veulent organiser des « élections » pour perpétuer le système qui ronge le pays depuis le 17 octobre 1806, un système où une poignée d’individus (les affranchis) jouent constamment avec la vie de la majorité (le peuple de Dessalines).
Et certains, sans patriotisme, sans mémoire, sans courage, croient encore que cela peut apporter le changement. Mais quel changement peut naître du mensonge ?
Quelle souveraineté peut-on tirer de la violation des lois de la nation, c’est-à-dire de sa Constitution ?
Des « élections » organisées dans la violence n’engendreront que violence. Le peuple n’a pas besoin de nouvelles « élections ». Le peuple a besoin de vérité, de justice et de dignité.
Il a besoin d’un État qui le respecte et le représente, et non d’un conseil qui exécute les diktats du Département d’État américain.
Alors, CEP, gardez vos papiers. Gardez votre « projet de décret ». Nous, le peuple, n’en voulons rien savoir. Car pendant que vous jouez avec vos stylos dans vos bureaux de Pétion-Ville, le peuple commence à se réveiller. Le peuple commence à comprendre : aucun bulletin de vote ne peut contenir la dignité d’une nation qui refuse de capituler.
La révolution a déjà commencé dans les rues, dans le cœur de ceux qui sont las, dans la conscience de ceux qui disent « ça suffit ».
Allez voter pour vous-mêmes, CEP. Le peuple a déjà tranché : nous vous destituons !