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Pour une nouvelle bibliothèque nationale en Haïti 

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Le 16 mars dernier, le journaliste littéraire Marc Sony Ricot a lancé un cri d’alarme pour sauver les archives de la Bibliothèque nationale d’Haïti, actuellement fermée. Aucun communiqué officiel n’a été publié par les responsables. Où se trouvent les archives de la bibliothèque nationale d’Haïti ? Que compte faire le ministre de la culture pour redynamiser cette institution essentielle ? Nous vous invitons à lire la réponse de Jimmy Borgella à Marc Sony Ricot.

Jimmy Borgella est bibliothécaire, gestionnaire culturel, entrepreneur et leader engagé. Iil consacre sa carrière à promouvoir le développement durable à travers l’éducation, la culture et les technologies de l’information. Il a travaillé à la Bibliothèque Nationale d’Haïti (BNH) pendant 7 ans en tant que bibliothécaire-documentaliste. Ses expériences internationales incluent des stages à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) et à l’Université Paris-Est Créteil, où il a affiné son expertise en gestion de bibliothèques et en ingénierie documentaire. 

Pétion-ville, le 16 mars 2025

Cher Marc Sony RICOT,

Ton cri du cœur résonne avec une douleur que nous partageons tous. Ce que nous redoutions depuis longtemps est arrivé : les collections de la Bibliothèque Nationale d’Haïti ont été emportées, balayées par les circonstances actuelles, y compris ses fonds patrimoniaux datant de plus de deux siècles, des livres et revues d’une rareté inestimable.

Ce drame, pourtant évitable, est le résultat d’une indifférence institutionnelle et d’un manque de leadership éclairé. Malgré les menaces répétées, les avertissements, les appels à l’action, rien n’a été fait pour préserver ce patrimoine essentiel. Ceux qui avaient la responsabilité de protéger la mémoire du pays sont restés sourds et aveugles, non par ignorance, mais par absence totale de compréhension de ce qu’est une bibliothèque sans collections, un pays sans mémoire, une institution sans archives.

Ce qui méritait une protection absolue a été relégué au second plan. Pendant que les dossiers administratifs, comptables et des ressources humaines continuaient d’être traités avec rigueur, les trésors documentaires du pays disparaissaient dans l’oubli et l’indifférence. On dirait que les véritables maîtres de ce pays ont atteint leur objectif : ne rien préserver, ne rien conserver, ne rien sécuriser pour les générations futures.

Aujourd’hui, l’édifice de la Bibliothèque Nationale d’Haïti tient encore debout, mais son âme a été soufflée. Ses collections ont disparu, et pourtant, personne ne semble vouloir en mesurer la portée. Les responsables et officiels perçoivent toujours leurs salaires, profitent de leurs privilèges, sans jamais rendre de comptes sur leurs véritables responsabilités.

Et puisque la population, en quête d’un toit sûr pour échapper aux balles et aux menaces des gangs, doit d’abord assurer sa propre survie, le sort de notre patrimoine documentaire devient une préoccupation reléguée aux oubliettes. Après tout, dans un pays où l’urgence est de rester en vie, qui se souciera de sauver ce qui raconte d’où nous venons et ce que nous sommes ?

Mais qu’ils le veuillent ou non, un jour viendra où l’on parlera de la NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE NATIONALE D’HAÏTI. Parce qu’il y aura toujours des hommes et des femmes, des esprits éveillés et insoumis, qui refuseront d’offrir à l’humanité ce que les dirigeants actuels offrent aujourd’hui à notre génération comme une courtoisie des plus généreuses : le vide, l’oubli et l’effacement programmé d’une mémoire collective.

L’heure est grave. Il faut briser ce silence, exiger des réponses, poser les bonnes questions et revendiquer la mémoire qui nous appartient. Car, comme tu l’as très bien dit, la mémoire doit rester debout quand tout s’effondre.

Il est encore temps de sauver ce qui peut l’être. Mais qui osera s’en soucier ?

Avec tout notre engagement commun,

Jimmy BORGELLA

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