Home Haiti Référendum constitutionnel : une imposture politique à rejeter sans appel

Référendum constitutionnel : une imposture politique à rejeter sans appel

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L’Edito du Rezo

Le peuple haïtien doit catégoriquement rejeter tout référendum constitutionnel biaisé

Depuis plusieurs semaines, les rumeurs de la tenue d’un référendum constitutionnel ressurgissent dans l’actualité politique haïtienne, alimentées par des déclarations ambiguës et des démarches opaques émanant du Conseil Électoral Provisoire (CEP) et du Conseil Présidentiel de Transition, grassement payés pour faire perdre du temps à la. République. Alors même que la Constitution du 29 mars 1987 interdit formellement toute consultation populaire portant sur sa propre modification (article 284.3), certaines élites politiques apatrides et « machann peyi » persistent à vouloir contourner cette disposition en invoquant des impératifs de « modernisation » ou de « stabilité institutionnelle ». Cette manœuvre fait naître non seulement des interrogations d’ordre juridique, mais aussi d’ordre éthique, dans un contexte national marqué par l’absence de légitimité totale des institutions et une violence endémique « programmée ». Le rejet catégorique de ce référendum par le peuple haïtien s’impose donc comme une exigence citoyenne et démocratique.

Les pièges entourant ce projet de réforme constitutionnelle sont nombreux et profondément révélateurs d’une logique d’imposition autoritaire, contraire à l’esprit même de la Constitution de 1987, conçue comme une réponse à la dictature omniprésente. Il est particulièrement préoccupant d’apprendre que le Conseil Électoral Provisoire illégitime et mal concocté détient déjà une copie du projet constitutionnel PHTK-CPT, tout en refusant de la transmettre à la presse et à l’opinion publique. Comment prétendre œuvrer pour le bien-être du peuple lorsque le texte fondamental censé le régir à l’avenir est rédigé dans l’ombre et dissimulé à ceux qu’il est censé servir ? Cette opacité est en contradiction flagrante avec les principes de transparence et de souveraineté populaire, piliers fondateurs de toute démarche constitutionnelle légitime. Comme le fait ressortir la constitutionnaliste Mirlande Manigat, avant de passer avec armes et bagages dans l’autre camp en 2021, « une Constitution ne se rédige pas contre le peuple, elle se construit avec lui, dans la transparence et la participation » (Manigat, Essai sur la Constitution haïtienne, 2010).

L’incertitude qui entoure la date même du référendum-bidon témoigne de l’impréparation et du cynisme de ses promoteurs. L’annonce du 11 mai 2025 faite par Leslie Voltaire, membre influent du Conseil présidentiel de transition à 9 Tèt kale et dekale, s’est heurtée au silence embarrassé des autorités électorales de fait, aucune date n’ayant été officiellement confirmée. Valèt pa Mèt. Dans un pays plongé dans une crise sécuritaire sans précédent — entre assassinats ciblés, maisons incendiées, enlèvements et exécution de masse et contrôle de quartiers entiers par des groupes armés —, il est indécent de convoquer une population terrorisée à se prononcer sur une réforme constitutionnelle. Il est permis de se demander si les promoteurs de ce référendum trucqué mesurent la gravité morale de leur initiative. Peut-on consulter un peuple meurtri, affamé, dépouillé de ses droits fondamentaux, sans créer une farce politique tragique ? Le point fort des gouvernements de doublure d’Haïti depuis l’après-1915, pour citer un ex-haut diplomate américain.

Plusieurs analystes s’accordent à dire que le problème d’Haïti n’est pas la Constitution en elle-même, mais l’absence de volonté politique à la faire respecter. Certes, toute norme fondamentale peut être amendée pour s’adapter aux mutations historiques et sociales ; mais encore faut-il que cette révision soit conduite dans le respect des procédures établies. En l’occurrence, l’article 282 de la Constitution de 1987 prévoit que seules des autorités dûment élues peuvent engager un processus de révision, au cours d’une législature, avec l’implication active du Parlement. Or, Haïti ne dispose actuellement ni d’un Parlement en fonction, ni d’un gouvernement légitime. La démarche actuelle apparaît donc comme une entreprise illégale et précipitée, alimentée par des intérêts de pouvoir plutôt que par une vision de réforme institutionnelle.

Enfin, il convient de rappeler que le changement de Constitution ne saurait, à lui seul, transformer les pratiques politiques ni moraliser la vie publique. Les dérives autoritaires, la corruption systémique, la négociation indécente des postes publics, l’absence d’engagement étatique dans l’éducation ou la justice ne relèvent pas du texte constitutionnel, mais de la gouvernance. Dans cette optique, comme l’affirme l’historien Michel-Rolph Trouillot : « Le problème d’Haïti est moins une question d’architecture institutionnelle qu’un déficit chronique de légitimité et de responsabilité » (Haiti: State Against Nation, 1990). Réformer la Constitution sans réformer les pratiques, c’est ériger une façade nouvelle sur un édifice pourri. La Constitution de 1987 demeure, malgré ses imperfections, l’unique contrat social ayant obtenu un large consensus populaire. Y toucher dans les circonstances actuelles, sans débat, sans élections, sans garanties démocratiques, reviendrait à violer une fois de plus la souveraineté du peuple haïtien. Non, c’en est de trop, « se pou pèp leve kanpe kont lòbèy sa« , pour citer l’homme politique Himler Rébu, très amer contre le CPT « incompétent ».


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