Retour de la gauche au sommet de l’État
Ce samedi 1er mars, Yamandú Orsi, figure emblématique du Frente Amplio (FA), a officiellement pris ses fonctions en tant que 43e président de l’Uruguay, marquant le retour de la gauche après un quinquennat de centre-droit. Ce professeur d’histoire de 57 ans, deux fois intendant du département de Canelones, se positionne comme l’héritier politique de l’ancien président José « Pepe » Mujica.
Orsi entame son mandat dans un contexte particulier, alors que l’Uruguay célèbre les 40 ans du retour à la démocratie, consolidant son statut de nation stable dans une région souvent marquée par l’instabilité politique. Sa popularité initiale, estimée à 53%, témoigne d’un soutien notable, mais aussi d’attentes considérables face aux défis sociaux et économiques qui persistent.
Entre attentes sociales et préoccupations sécuritaires
Les premiers défis du nouveau chef d’État sont clairs : lutter contre l’insécurité croissante, renforcer la lutte contre la pauvreté et offrir de meilleures perspectives aux jeunes générations. Pour Rodrigo Sánchez, enseignant de 42 ans ayant voté pour Orsi, il est urgent de répondre aux « carences » en matière de sécurité publique et de protection sociale. De son côté, Inti Antuña, étudiant de 23 ans, réclame une amélioration des conditions de travail pour les jeunes.
Même parmi ceux qui n’ont pas voté pour lui, les attentes sont élevées. « J’espère que le pays continuera à avancer », confie Ana Lucía Rodríguez, conseillère commerciale de 42 ans, exprimant une certaine incertitude face à ce nouveau virage politique.
Un mandat sous le signe de la négociation parlementaire
Contrairement à ses prédécesseurs de gauche, José Mujica et Tabaré Vázquez, Yamandú Orsi devra composer avec un Parlement fragmenté. Si le Frente Amplio conserve une majorité au Sénat, la Chambre des députés est marquée par l’émergence de nouveaux acteurs politiques, certains d’inspiration antisystème. Cette configuration obligera le nouveau président à multiplier les compromis pour faire avancer son agenda législatif.
Croissance et rigueur budgétaire : un équilibre délicat
L’économie uruguayenne, bien que relativement stable, fait face à des défis structurels. Le FMI anticipe une croissance de 3% en 2025, mais le déficit fiscal, qui a atteint 4,1% du PIB en 2024, limite les marges de manœuvre. Pour Nicolás Saldías, analyste à l’Intelligence Unit de The Economist, contenir ce déficit sera décisif pour préserver la notation de la dette publique et éviter une dégradation de la confiance des investisseurs.
L’insécurité, préoccupation majeure des Uruguayens
La sécurité s’impose comme une priorité incontournable. Selon une enquête d’Equipos Consultores, 37% des Uruguayens identifient l’insécurité comme leur principale préoccupation, loin devant le chômage (17%). La criminalité liée au narcotrafic alimente une montée des homicides – 10,5 pour 100 000 habitants – tandis que la population carcérale uruguayenne atteint un taux record en Amérique du Sud, avec 445 détenus pour 100 000 habitants.
Un contexte international sous tension
Sur la scène internationale, Yamandú Orsi devra manœuvrer dans un environnement global de plus en plus polarisé. L’Uruguay, pays de tradition agro-exportatrice, dépend fortement de l’accès aux marchés internationaux. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait fragiliser les relations commerciales avec la Chine, principal partenaire de l’Uruguay, et compliquer la position du pays au sein d’un Mercosur en quête de réinvention.
Cérémonie et symboles : une démocratie célébrée
La prise de fonction d’Orsi s’inscrit dans une séquence hautement symbolique pour l’Uruguay, qui célèbre 40 ans de démocratie ininterrompue depuis la fin de la dictature en 1985. Cette continuité démocratique, ponctuée par l’alternance entre le Frente Amplio et les partis traditionnels, est saluée comme une réussite collective.
La cérémonie d’investiture, débutée au Palais législatif, s’est poursuivie à l’Auditorium national Adela Reta, où Luis Lacalle Pou a remis l’écharpe présidentielle à son successeur. Parmi les invités officiels, des représentants de plus de 60 pays, dont le roi d’Espagne et plusieurs chefs d’État sud-américains, ont assisté à cet événement.
Si certains absents, comme le président argentin Javier Milei ou les dirigeants cubain, nicaraguayen et vénézuélien, témoignent de fractures diplomatiques persistantes, cette journée restera avant tout celle de la célébration démocratique. « Plus qu’une simple investiture, c’est la fête de la démocratie », a souligné Alejandro Sánchez, futur chef de cabinet.