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Haïti, de l’abandon de la souveraineté à la feuille de route de l’OEA !

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Le Secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), Albert R. Ramdin

(Première partie)

Depuis quelques mois, le dossier d’Haïti, devons-nous dire la crise haïtienne, trône en bonne place sur les tables de discussions au sein de l’Organisation des Etats Américains (OEA). Bien avant l’arrivée du nouveau Secrétaire général, Albert R. Ramdin, en mars 2025, son prédécesseur, l’uruguayen Luis Almagro, faisait semblant de porter un intérêt à ce qui se passe dans cet Etat des Caraïbes, membre fondateur, en 1948 à Bogota, de cette institution qui a succédé à l’Union panaméricaine créée depuis 1910. En vérité et au vu des résultats, l’on est en droit de se demander aujourd’hui, si l’OEA ne se perd pas en conjectures. Haïti est en crise politique quasi-permanente depuis au moins 2004, si l’on ne veut pas remonter plus loin. Car, en réalité, ce pays est en faillite politique depuis la chute de la grande dictature des années 70-80. L’OEA, en dépit des discours imprégnés de bonnes intentions et de compassions de ses membres envers les Haïtiens et Haïti, n’a jamais concrétisé aucun de ses projets dans le pays. Des promesses et des litanies sans fin n’apportant rien de réel.

Pourtant, les crises sociopolitiques s’enchainent et se succèdent. On assassine un chef d’Etat en exercice, le pays se délite, même sa capitale, Port-au-Prince se balkanise et ses dirigeants se délocalisent. Pour ne pas tomber dans le piège du temps, cela aura été trop long, l’on restera, pour le besoin de cette chronique, concentré uniquement sur la période allant de l’assassinat du Président Jovenel Moïse à cette nouvelle crise dans la crise qui s’annonce avec la fin, bientôt, du mandat du Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Personne n’est obligé de lire dans le marc du café ni besoin d’être un grand spécialiste de l’histoire politique haïtienne pour comprendre que ce pays est loin, très loin de sortir du tunnel dans lequel sa classe politique et son élite économique l’ont entrainé depuis au moins 40 ans.

Comme une condamnation maléfique, depuis ces quarante dernières années, les élites d’Haïti ont légué à la Communauté internationale, notamment aux diplomates de l’ONU, l’OEA et en dernier ressort la CARICOM, la charge de redéfinir le paysage politique et institutionnel du pays. Tout, absolument tout ce qui concerne l’organisation de l’ordre politique et de structure étatique de ce pays relève d’une décision de l’International en « Maitre d’œuvre » avec, pour contremaître, les agents des trois organismes cités plus haut. Une responsabilité, il faut le reconnaitre, accordée volontairement par les entités sociopolitiques qui dirigent le pays et le portant à tomber à ce niveau de déchéance avec ce dernier groupe d’un niveau d’amateurisme qui fait honte à l’histoire d’Haïti.

Christopher Landau, le Représentant des Etats-Unis auprès de l’OEA

Paradoxalement, c’est au moment où d’autres Etats de la région qui se situaient loin derrière Haïti se sont mis au travail et ont fini par retrouver leur indépendance politique avec une situation économique bien meilleure que celle de ceux se trouvant sous la dépendance de la Communauté internationale comme Haïti, que les dirigeants, eux, ont décidé sciemment d’abandonner la souveraineté du pays et de déléguer la gestion politique et institutionnelle à ce triumvirat qu’est : l’ONU, l’OEA et la CARICOM. Le problème c’est qu’aucune de ces trois entités ne s’intéresse vraiment ni à Haïti ni à sa population qu’elles traitent de manière humiliante et utilisent comme une sorte de laboratoire pour poursuivre des expériences qui ont toutes échoué ailleurs, en Afrique, en Asie ou au Moyen Orient. Or, elles tiennent à faire passer ces échecs pour des réussites, voire inédites, dans ce pays des Caraïbes. Il suffit de comptabiliser le nombre de missions de l’ONU en Haïti au cours de ces quatre décennies et les résultats qui en découlent pour comprendre que la Communauté internationale ne fait que tourner en dérision le peuple haïtien, ses dirigeants et en dernier ressort le pays lui-même. Jetons un bref coup d’œil sur chacune de ces trois organisations. C’est un fait, tous les journalistes politiques et les historiens connaissent les paroles quasi prophétiques du général de Gaulle à propos de l’ONU et ce, dès les années 60.

Pour le militaire et homme d’Etat français, cette organisation n’est rien d’autre qu’un « MACHIN », une instance totalement inutile ne pouvant résoudre aucune crise politique ou conflit militaire dans le monde. En clair, pour nous Haïtiens, elle sert tout juste d’outil géopolitique pour les grandes puissances à asphyxier les petits Etats ou les régimes politiques trop soucieux de garder leur indépendance politique et économique vis-à-vis de ces Etats prédateurs, impérialistes et ayant encore des prétentions colonialistes. Malheur à celles et ceux des dirigeants du Tiers-Monde qui ne l’ont pas compris. ! Quant à l’organisation régionale de la CARICOM (Communauté caribéenne), il est facile de comprendre son rôle dans les débats et les enjeux politiques dans l’espace antillais par rapport à la politique envahissante des Etats-Unis qui, outre l’Organisation des Etats Américains, ont toujours considéré le bassin caribéen comme étant sa zone d’influence naturelle et privilégiée.

Donc, la CARICOM n’est, en vérité, qu’une caricature de l’OEA que Washington emploie comme second couteau ou sous-traitant pour réaliser des coups politiques dans des Etats faillis ou totalement dépendants des diktats de la Maison Blanche ou du Département d’Etat. L’exemple le plus parlant de cette sorte de sous-traitance de la CARICOM pour exécuter les petits plans des Etats-Unis dans les Caraïbes est la mise en place en Haïti, à la chute du Premier ministre Ariel Henry, de cet Exécutif hybride de 9 membres. Alors même que pratiquement tous les protagonistes de la Transition savaient que cette formule de Présidence collégiale ne pourrait pas marcher dans un pays comme Haïti de surcroît miné par une crise politique endémique où chaque acteur déteste l’autre puisqu’il ne partage rien en commun ni sur le plan politique ni sur la manière de sortir de la Transition post-Moïse, voire poste Duvalier. Donc, l’échec de la CARICOM en Haïti était prévisible. Maintenant, voyons plus en détail le cas de l’OEA, puisque c’est elle qui nous intéresse dans cette chronique.

En effet, tenons compte des énormes bruits qu’elle dégage depuis un certain temps, soi-disant à la recherche d’une solution durable à la crise pluridimensionnelle et quasi-séculaire en Haïti dont elle est l’une des contributrices avec ses deux homologues : ONU et CARICOM étant donné que les trois réunies ne forment qu’une seule unité. C’est intéressant d’observer la position de l’OEA sur l’échiquier diplomatique dans une crise haïtienne qui ne cesse d’empirer, plus qu’avant ce qui avait été mis en place par les Américains via la CARICOM. Aujourd’hui, les décideurs politiques et diplomatiques de Washington, s’ils sont de bonne foi, doivent certainement reconnaitre que la création du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) pour succéder à celui qui les a déçus, Ariel Henry, est un énorme fiasco politique. Leur effort a été vain dans la mesure où aucun des 9 Conseiller-Présidents ne s’est révélé durant les 16 mois qu’ils ont eu pour démontrer qu’ils étaient les hommes de la situation.

A Port-au-Prince, le CPT a échoué collectivement. A Washington, Georgetown et New-York, c’est la consternation. Les décideurs et faiseurs de « rois » ont été déçus. Mais, il faut poursuivre le travail afin de donner un semblant de retour à la normale dans ce pays où tout le monde commence à être fatigué. Alors, à Washington, l’on s’inquiète et depuis des mois l’on s’interroge : comment sauver l’après CPT sans qu’il n’y ait un chaos généralisé vu qu’aucun point de l’Accord du 3 avril ni du décret du 23 mai 2024 nommant le CPT n’a été exécuté ou respecté ? Pas même le référendum qui, pourtant, aurait pu être la plus basique réalisation de la Transition après la chute d’Ariel Henry. Les 9 membres du CPT viennent d’annoncer qu’ils jettent l’éponge sur la question de la réforme constitutionnelle donc sur le référendum évidemment. Dans les instances où les choses se décident à Washington pour Haïti, la question a été de savoir s’il faut reconduire la CARICOM dans ses missions en Haïti ou, cette fois-ci, si on doit filer directement le dossier à l’OEA. Selon toute vraisemblance, c’est l’option OEA qui a été retenue non sans s’interroger sur la passivité et l’inaction de cette organisation panaméricaine dans la gestion du dossier haïtien qui, selon la lecture que font les dirigeants américains, doit ou devrait être à l’avant poste des États en difficultés dans la région et que Haïti en est le parfait exemple.

D’où la sortie au mois de juin dernier de Christopher Landau, le Représentant des Etats-Unis auprès de l’OEA, sur l’inaction des dirigeants de l’institution sur la crise en Haïti lors de l’Assemblée générale de l’OEA ayant eu lieu à Antigua-et-Barbuda. « La crise actuelle en Haïti est tout aussi décourageante. Des gangs armés contrôlent les rues et les ports de la capitale, et l’ordre public s’y est pratiquement totalement effondré. Alors qu’Haïti sombre dans le chaos, la crise humanitaire, sécuritaire et gouvernementale qui se déroule actuellement a des répercussions dans toute la région. Et là encore, qu’a fait l’OEA ? À l’heure actuelle, un minimum de sécurité est assuré par une force multilatérale sous la houlette du Kenya validée par l’ONU. Les États-Unis se sont engagés à hauteur de près d’un milliard de dollars pour soutenir cette force. Nous saluons le déploiement de personnel de sécurité et les autres contributions de certains des pays représentés dans cette salle, qui ont rendu cette mission possible, mais les États-Unis ne peuvent pas continuer à assumer ce lourd fardeau financier. C’est pourquoi les États-Unis accueilleraient favorablement une implication de l’OEA dans la réponse à la crise politique en Haïti.

Encore une fois, si l’OEA n’est pas disposée ou est incapable de jouer un rôle constructif en Haïti, alors nous devons sérieusement nous demander pourquoi l’OEA existe » se questionnait le représentant des Etats-Unis. Washington incite donc les dirigeants, de l’OEA, entre autres son Secrétaire général Albert Ramdin, à se saisir du dossier d’Haïti, en quelque sorte à prendre la tête d’une nouvelle croisade diplomatique sur Haïti dont l’objectif réel reste flou. Ainsi, qu’on ne s’étonne pas du dynamisme que semblent déployer les dirigeants de l’OEA après l’intervention du diplomate américain sur la crise haïtienne. En effet, tout de suite après la menace de Washington, le Secrétaire général Albert Ramdin s’est montré très attentif et a déployé tous ses efforts autour du dossier. Le 27 juin 2025, lors de la 55e Assemblée générale de l’organisation à Antigua-et-Barbuda, il a obtenu la Résolution N° 5882 intitulée « Appel à la Mise en Œuvre Urgente de Solutions Concrètes pour Résoudre la Grave Crise institutionnelle et Sécuritaire en Haïti ».

Elle porte à répondre sur la crise multidimensionnelle qui réduit Haïti à sa plus simple expression. Reprenant les termes habituels sur les crises en Haïti, l’Assemblée générale donne pouvoir au chef de l’Institution à faire élaborer un document en vue de définir les priorités pour les acteurs internationaux y compris les Haïtiens afin d’apporter des solutions pour résoudre la crise. « L’OEA soutient les efforts du gouvernement haïtien de Transition pour rétablir l’ordre public, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et préparer la tenue d’élections libres et crédibles. Elle invite les États membres à renforcer leur appui à la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, mise en place par l’ONU, notamment à travers des contributions financières et logistiques. Le Secrétaire général de l’OEA a reçu mandat d’élaborer, dans un délai de quarante-cinq jours, un plan d’action global en collaboration avec les autorités haïtiennes, le BINUH et la MMAS.

Ce document devra définir les priorités, les échéanciers, les ressources requises, les indicateurs de résultats ainsi que les stratégies à adopter pour favoriser la sécurité, la gouvernance démocratique et le développement durable » peut-on lire dans le texte. L’organisation va encore plus loin dans sa prise de position. Elle souligne qu’il faut prendre en compte de façon globale l’ensemble des causes ayant conduit à cette impasse politique et sécuritaire dans un pays situé à quelques encablures des côtes américaines. Une autre Résolution portant le N°3039, datant celle-là du mois de juillet 2025, a, en effet, souligné « que le simple recours aux opérations militaires et policières est insuffisant pour endiguer la crise. L’OEA plaide pour une approche globale, combinant des réponses diplomatiques, politiques, juridiques et sociales, avec une attention particulière aux causes profondes de la criminalité, notamment les inégalités, le chômage, l’exclusion et l’absence de perspectives. »

(À suivre)

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