Les cultures sont des configurations herméneutiques et ce sont les herméneutiques dans leur multiplicité – interprétatives collectives, des représentations des êtres et des faits à la fois existentiels et relationnels – que les groupes humains appliquent à soi, à autrui et à l’univers, qui fondent le sens dans l’agir des sociétés. Les hommes étant immanquablement culturophores (porteurs de culture) par leur nature sociale, il s’agit d’orienter la culture, de la débroussailler et d’en faire un cadre et un outil pour l’action collective, la libération collective. Les élites sont donc par vocation enculturatrices, dispensatrices de la culture interprétée et véhiculée à travers leur regard, puisque hommes de connaissance et de bonne volonté devant s’engager pour les bonnes appréhensions et propositions d’application des codes culturels tels les mythes fondateurs, le rapport à l’histoire, le rapport à soi et à l’autre de la société pour le bien collectif.
L’enculturation, ce vocable de Margareth Mead, qui a pris de l’ampleur à travers le temps, consiste aussi à vivre éclairé dans sa culture, à l’assumer outillé logiquement et moralement, hyperconscient et en pleine lumière des bons côtés et des indignes parts de cet englobant, fort de son jugement en toute capacité mentale et cognitive sans y être jamais asservi par une frilosité identitaire qui assimile toutes ses tares et ses laideurs selon l’action de certains intellectuels démagogues qui adoptent tous les envers et dérapages du populo par un vil populisme culturel. Car il est superfétatoire ici de rappeler que toute culture, hélas, comporte de terribles zones d’ombre!
Passer du cosmique à l’artefact humain, aller du naturel au civilisationnel implique une conscience « démiurgique » ou plutôt, car ce mot je le réserve à Dieu, interprétatrice qui crée l’univers à l’échelle de l’homme, qui transforme l’univers en monde, un monde à l’échelle du cours social des comportements par l’interprétation dynamique et productive des données de la culture, c’est-à-dire de quasiment tout ce qui fait le fonctionnement de l’homme, car la culture empreint tout. Et, c’est pourquoi, c’est très poignant, cette tâche de l’herméneute social que de structurer l’orientation comportementale de la société pour y imprimer sa marque en tant que dispensateur de clés interprétatives qui vont influencer fortement la culture et le monde social! Ainsi les seigneurs de l’enculturation, ceux qui traduisent la culture au mental des peuples, sont des formateurs d’hommes ou de monstres, des enculturateurs créateurs ou mortifères…
Alors que désormais, tout est massifié et que la petite poignée de riches qui mènent le monde, est précisément un groupuscule grossier et vil, souvent non éduqué, il est consternant de le dire, mais c’est vrai : pour vivre il faut vendre ce que la populace réclame. Les créateurs d’élite doivent s’y conformer, sinon, ils risquent de rester totalement inconnus, mangeant la vache enragée tandis que n’importe quelle racaille qui braille et fait brailler le peuple est propulsée au trône de la fortune et de la consécration.
La culture est à la fois l’environnement global du regard sur soi et sur le monde, c’est aussi cette sorte d’espace immatériel inscrit en l’individu et le collectif pour saisir et se projeter en agissant.
C’est pourquoi, les élites en général et, à fortiori, les élites intellectuelles, ont le devoir d’étayer des codes herméneutiques puissantes et justes pour la vaste phratrie qu’est la société, sinon elle sera condamnée à dériver au gré des impostures de n’importe quel manipulateur acculturateur. Quand je dis élites intellectuelles, je parle des élites pensantes, non pas juste des spécialistes ou technocrates, car la spécialisation est juste une compétence spécifique même si des imbéciles confondent parfois grossièrement les termes intellectuel et spécialiste.
Mais attention les élites authentiques doivent avoir le courage, le mâle courage de combattre les tares et défauts qui sévissent dans la culture de fond pour façonner une culture humanisante. L’humanisation de la phratrie est et doit être la motivation essentielle de toute élite authentique car une élite elle-même déshumanisée, stéréotypée ou démagogique par l’assimilation servile pour plaire aux foules, est une vilenie, une honte indigne de son statut. Vaut mieux être mal-aimée pour sa fermeté que d’être louée par la canaille pour sa lâcheté d’appuyer le populisme pour en jouir.
De toute manière, toute amélioration, toute humanisation de cette estampe d’humanité qu’est la culture, laquelle scelle et élève l’homme loin au-dessus de l’animal tient de la qualité de l’herméneutique du sens collectif que proposent les élites en leur discours enculturateur. L’élite sociale est enculturatrice, c’est-à-dire épurant des valeurs de la culture, orchestrant les voies de sa projection sociale pour la rendre meilleure et humanisante de la société, ou ladite élite n’est tout simplement pas.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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