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L’Akademi kreyòl ayisyen recycle une fois de plus ses vieilles recettes et sectarise son incapacité à aménager le créole

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Par Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue

Conseiller spécial, Conseil national d’administration

du Réseau des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)

Montréal, le 20 février 2025

LA NOUVELLE a été accueillie avec un haussement d’épaules narquois et railleur par plusieurs professeurs de créole et par nombre d’enseignants préoccupés par l’aménagement des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français : dans l’indifférence générale, l’Akademi kreyòl ayisyen a récemment élu son nouveau Conseil d’administration dont l’installation est prévue le jeudi 20 février 2025.

En effet, « Akademi kreyòl ayisyen an AKA te òganize onzyèm asanble jeneral òdinè li, soti 24 pou rive 26 janvye 2025 nan otèl Oasis. Asanble akademisyen an te reyini 28 manm prezan sou 33. Nan okazyon Asanble sa a, Akademi an te òganize eleksyon pou eli yon nouvo Konsey administrasyon pou 2 lane, selon preskripsyon Lwa ki kreye Akademi an. Nouvo Konsèy administrasyon Akademi an, ki eli pou 2 pwochen lane yo, 2025 ak 2026, konpoze konsa : akademisyen Rosilia François CORNEILLE, prezidan ; akademisyen Jean Grégory CALIXTE, visprezidan, akademisyen Christophe Phillipe CHARLES, sekretè jeneral, akademisyen Altagrace PAYEN, konseye: akademisyen Rogéda Dorcé DORCIL, konseye, akademisyen Marky JEAN PIERRE, konseye, akademisyen Norah Amilcar JEAN FRANÇOIS, konseye. Seremoni enstalasyon nouvo Konsèy administrasyon AKA ap fèt nan lokal li, sou Bwavèna, jedi 20 fevriye 2025 a 10 è nan maten nan sal akademisyen yo. Anplis, jan sa abitye fèt chak ane, Akademi an toujou reyalize yon seri aktivite pou make selebrasyon Jounen entènasyonal lang manman, 21 fevriye. Selebrasyon sa a ap fèt nan lokal Akademi an, sou Bwavèna, vandredi 21 fevriye 2025 apati 9 è nan maten » (voir l’article « Manm Akademi kreyòl ayisyen yo eli yon nouvo konsèy administrasyon », Le National, 19 février 2025).

L’on observe que dans un pays livré à la fureur des gangs armés couplée à l’impuissance de l’État d’assurer la sécurité de la population à l’échelle nationale, l’aménagement du créole aux côtés du français ne pèse pas lourd au chapitre des priorités. Il en est de même de la santé, de l’écologie, de l’approvisionnement électrique et de l’éducation : l’État haïtien est démissionnaire, ses prérogatives régaliennes sont prises en charge par des ONG et dans le domaine de la scolarisation l’échec systémique modélisé par le PHTK néo-duvaliériste est flagrant (voir notre article « En Haïti, la corruption généralisée au Fonds national de l’éducation met encore en péril la scolarisation de 3 millions d’écoliers », Le National, 19 février 2025).

Les enseignants, les directeurs d’écoles, les associations de parents ainsi que les rédacteurs de manuels scolaires créoles assistent depuis 2014 à un rituel muséologique amplement fossilisé : dans la presse locale, l’Akademi kreyòl ayisyen (AKA) récite chaque année les versets et clichés du même petit catéchisme, celui des pieuses déclarations d’intention, des « recommandations » et « études » en éternelle préparation… Les versets et clichés de ce petit catéchisme de l’impuissance sont ingérés par un nombre indéterminé de personnes, y compris par des journalistes qui, sans mener la moindre enquête de terrain sur lenprésumé travail de l’AKA, assènent à leur tour des poncifs dont la fonction première est d’alimenter des illusions têtues et le refus d’établir, en Haïti même, un rigoureux bilan critique de l’échec de l’Akademi kreyòl…  

Ainsi, un journaliste du National, qui d’habitude élabore des articles éclairants et documentés, assène d’un regard borgne : « Fòk nou raple Akademi kreyòl ayisyen se pi gwo otorite nan sa ki gen pou wè ak lang kreyòl ayisyen an, an Ayiti kou aletranje. Pami misyon lwa kreyasyon li ba li, nou kapab site: travay pou enstitisyon Leta yo aplike Konstitisyon an nan piblikasyon tout dokiman ofisyèl yo nan lang kreyòl ; ankouraje travay sou devlopman zouti tankou gramè, diksyonè, leksik nan tout domèn ; fè envantè epi ankouraje tout moun k ap travay sou lang kreyòl ak espesyalis nan tout domèn k ap pwodui nan lang kreyòl » (voir l’article « Manm Akademi kreyòl ayisyen yo eli yon nouvo konsèy administrasyon », Le National, 19 février 2025). Étroitement enfermé dans sa vision borgne, laxiste et complaisante, le journaliste du National n’a fourni, dans cet article, aucun bilan du travail qu’aurait présumément effectué l’Akademi kreyòl ayisyen vêtu par ses soins du qualificatif affabulatoire de « pi gwo otorite nan sa ki gen pou wè ak lang kreyòl ayisyen an »…

L’Akademi kreyòl ayisyen : un « symbole décoratif » issu de la boule de cristal de l’Assemblée constituante de 1987

Sur le plan historique, il est utile de rappeler que le projet de création d’une Académie de langue ou d’une Académie créole a été très tôt contestée par des linguistes haïtiens de premier plan, notamment Pierre Vernet et Yves Dejean. 

L’idée de la création d’une « Académie haïtienne » a été débattue par l’Assemblée constituante chargée de la rédaction de la Constitution haïtienne de 1987 sans faire appel à l’expertise connue de nos meilleurs linguistes de l’époque, en particulier les enseignants-chercheurs de la Faculté de linguistique appliquée Pierre Vernet et Pradel Pompilus. Alors même qu’elle a mené ses travaux de manière exemplaire et démocratique, il est attesté que cette Assemblée constituante, nourrie de la mythologie du « prestige » de l’Académie française (fondée en 1634 par le cardinal de Richelieu), avait fait sienne une conception à la fois naïve et utopique du rôle d’une Académie en Haïti. En consignant à l’article 213 de notre Charte fondamentale l’idée de la création d’une Académie –« Une Académie haïtienne est instituée en vue de fixer la langue créole et de permettre son développement scientifique et harmonieux »–, l’Assemblée constituante de 1987 a sanctuarisé sa vision mythologique du rôle d’une Académie en Haïti sans tenir compte de l’opposition des linguistes haïtiens et, surtout, sans fournir un cadre juridique explicite d’aménagement linguistique découlant de la co-officialisation, à l’article 5 du texte constitutionnel, du créole et du français L’opposition de plusieurs linguistes haïtiens de premier plan à la création d’une « Académie haïtienne » chargée de « fixer la langue créole » s’est donc exprimée au fil des ans et à plusieurs reprises. Ainsi, en marge de la Journée internationale du créole, Le Nouvelliste daté du 27 octobre 2004 consignait la position de Yves Dejean en ces termes : « Le linguiste Yves Dejean a abondé dans le même sens que [feu Pierre Vernet] le Doyen de la Faculté de linguistique appliquée (FLA). Nous n’avons pas besoin d’Académie de langue créole. Il faut financer les institutions sérieuses qui s’occupent de la langue créole ».

Dans un article très peu connu paru à Port-au-Prince dans Le Nouvelliste du 26 janvier 2005, « Créole, Constitution, Académie », le linguiste Yves Dejean précise comme suit sa pensée au sujet de l’Académie créole : « L’exemple à ne pas suivre / Haïti n’a que faire de l’acquisition d’une « formidable machine à faire rêver » et d’un « symbole décoratif ». Dans le même article, il ajoute, au paragraphe « Mission impossible et absurde », que « L’article 213 de la Constitution de 1987 doit être aboli, parce qu’il assigne à une Académie créole, à créer de toute pièce, une tâche impossible et absurde, en s’inspirant d’un modèle archaïque, préscientifique, conçu près de 300 ans avant l’établissement d’une discipline scientifique nouvelle, la linguistique (…) On sait, à présent, qu’il est impossible de fixer une langue ; que les cinq à six mille langues connues constituent des systèmes d’une extrême complexité en dépendance de l’organisation même du cerveau humain et relèvent de principes universels communs propres à l’espèce ; que les changements dans la phonologie, la syntaxe, la morphologie, le vocabulaire ne sont pas à la merci des fantaisies et des diktats de quelques individus et d’organismes externes à la langue. » Au onzième paragraphe de son texte, « Non à l’article 213 », Yves Dejean écrit ceci : « Il faudra un amendement à la Constitution de 1987 pour supprimer l’article 213 qui voue le créole à une rigidité cadavérique et, donc, à la destruction et le remplacer par quelque chose d’utile au pays. Quoi par exemple ? Un service d’État doté de moyens financiers suffisants, afin de permettre à des chercheurs qualifiés de mener un programme de recherches, sans esprit normatif, sur tous les aspects du créole et aussi en relation avec son utilisation dans l’éducation, la communication, la diffusion et la vulgarisation des informations et de la science. »

Cette position de principe a été à nouveau signifiée par Yves Dejean en 2013 dans son livre-phare « Yon lekòl tèt anba nan yon peyi tèt anba » (Éditions de l’Université d’État d’Haïti) : « Ayiti bezwen tout kalite bon liv an kreyòl, bon pwofesè pou gaye konesans lasyans an kreyòl, bon pwogram radyo ak televizyon an kreyòl. Li pa bezwen okenn Akademi kreyòl pou sèvi l dekorasyon » (op. cit. p. 316). Il y a lieu de rappeler que l’opposition des linguistes Pierre Vernet et Yves Dejean au projet d’une Académie créole a non seulement été ignorée, mais elle a également fait l’objet de frauduleuses tentatives de manipulation, de détournement et de récupération… Cela s’est vérifié en particulier en ce qui a trait à la pensée de Yves Dejean. Ainsi, dans l’article publié le 25 juillet 2011 sur AlterPresse par le « Comité d’initiative pour la mise en place de l’Académie haïtienne » et annonçant la tenue prochaine d’un « Colloque sur la mise en place d’une Académie du créole haïtien », l’on retrouve à son insu le nom d’Yves Dejean parmi les signataires supportant le projet de ce « Comité d’initiative » alors même que ses prises de position publiques étaient connues… 

Le bilan de l’Akademi kreyòl ayisyen (2014 – 2024), entre le rêve d’exister et l’allégorie d’un greffon avorté

Au bilan des réalisations virtuelles de l’Akademi kreyòl ayisyen, il y a au départ des malentendus et une ample confusion sur la nature et la mission de cette microstructure. Natif de Port-Salut, Éric Sauray, politologue, docteur en droit public et avocat au barreau du Val d’Oise en France, est l’auteur de l’article « Observations critiques sur la proposition de loi relative à la création d’une Académie du créole haïtien » paru sur son blog le 12 octobre 2012. Dans ce texte à large spectre et d’une grande portée analytique, ce juriste identifie les malentendus et les lacunes juridiques de la « Pwopozisyon lwa pou kreyasyon akademi ayisyen an » (2014), « Proposition » rédigée uniquement en créole. Cette « Proposition de loi » avait auparavant été élaborée par le « Comité d’initiative » pour la création d’une Académie baptisée « Académie du créole haïtien ». L’argumentaire d’Éric Sauray met en lumière les lacunes et les malentendus suivants : (1) « Une carence de l’État ne saurait justifier une initiative privée très peu modeste » ; (2) « Une proposition de loi ne peut être faite que par des parlementaires » ; (3) « La proposition est teintée de discrimination » ; (4) « Le comité d’initiative ne peut pas choisir les académiciens » ; (5) « L’Académie n’a pas d’ultimatum à fixer à l’État » ; (6) « La proposition de loi devrait être revue par des juristes de qualité ».

L’article d’Éric Sauray exemplifie la grande confusion établie dès le départ quant au rôle et au mandat de l’Académie créole, et cette grande confusion explique en partie le bilan quasi nul de cette microstructure qui, entre 2014 et 2024, n’a eu aucun véritable impact dans la société haïtienne et n’a mené aucune action mesurable et durable d’aménagement du créole dans l’espace public et/ou dans le système éducatif haïtien. Comme nous l’avons analysé dans notre article paru le 5 avril 2019 dans Le National, « Maigre bilan de l’Académie du créole haïtien (2014-2019) : les leçons d’une dérive prévisible », les termes mêmes de la mission de l’AKA, tels qu’ils figurent dans la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an » (Le Moniteur, 7 avril 2014), définissent son statut : il s’agit d’une instance « déclarative » destinée à formuler des « propositions » et des « recommandations » sans pouvoir légal contraignant. Ainsi, il s’agit de « faire tout le nécessaire », de « faire en sorte », de « soumettre des propositions ». Instance « déclarative » qui par nature ne peut faire que des « propositions » et des « recommandations », l’Académie du créole haïtien n’est pas une institution d’aménagement linguistique issue d’un énoncé de politique linguistique de l’État ciblant nos deux langues officielles, le créole et le français. À l’aune d’un bilan objectif de l’action menée par l’AKA depuis sa création, il est essentiel de savoir que la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an », consignée dans Le Moniteur du 7 avril 2014, est une loi déclarative, uniquement, qui n’accorde aucun pouvoir juridique d’aménagement linguistique à l’Académie créole (voir, là-dessus, notre article « Pour une Académie créole régie par une loi fondatrice d’aménagement linguistique », Rezonòdwès, 30 novembre 2014).

Les juristes et constitutionnalistes haïtiens, qui peuvent, s’ils le jugent nécessaire, faire appel à l’expertise de l’Académie internationale de droit linguistique ou à toute autre instance possédant un savoir-faire en droit constitutionnel, auront à étudier de près la problématique de l’éventuelle inconstitutionnalité de l’Académie créole. Il apparaît en effet que la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an », publiée dans Le Moniteur du 7 avril 2014, contrevient aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 car elle n’a été votée qu’en créole. La traduction française subséquente de cette « Lwa » n’ayant pas été votée en même temps que l’original rédigé en créole, elle n’a pas reçu la sanction parlementaire et peut être considérée comme nulle et non avenue. L’éventuelle inconstitutionnalité de l’Académie créole, qui en ferait de fait une structure illégale et fonctionnant en dehors des prescrits constitutionnels, se complexifie à l’éclairage des contradictions contenues dans la « Lwa » du 7 avril 2014 : l’article 11-e stipule en effet que l’AKA « Travay pou enstitisyon leta yo aplike Konstitisyon an nan piblikasyon tout dokiman ofisyèl yo nan lang kreyòl », mais elle se place elle-même en contravention avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 en ne publiant ses textes qu’en créole à l’exclusion du français alors qu’Haïti dispose de deux langues co-offficielles. Pire : cet article 11-e de la « Lwa » du 7 avril 2014 est un appel explicite que fait l’Académie créole aux institutions de l’État à violer l’article 40 de la Constitution de 1987 qui institue l’obligation faite à l’État de publier tous ses documents officiels dans les deux langues officielles d’Haïti. En toute logique, l’on peut, à ce chapitre également, contester les prétentions de l’AKA à « défendre » les droits linguistiques des Haïtiens alors que, en amont, elle viole et appelle à violer l’article 40 de la Constitution de 1987…  

De manière objective, c’est précisément dans les termes mêmes d’une contradiction de fait que résident les fondements de la quasi nullité de l’action de l’Académie créole dans la société haïtienne : être une microstructure juridiquement définie comme une instance déclarative, qui ne dispose que d’un mandat déclaratif et, en même temps –« en vue de fixer la langue créole » (article 213 de la Constitution de 1987)–, vouloir poser des actions exécutives comme si l’AKA était une instance exécutive d’aménagement linguistique. De la sorte, l’Académie créole, de 2014 à 2024, a fonctionné sur le mode d’un petit lobby politico-linguistique, d’un microgroupe de pression quasi-privé dont l’action n’émane pas de l’État et n’est pas assumée par l’État. L’AKA se perçoit et se vit comme une institution d’État, mais par ses « recommandations » et ses « avis » déclaratifs, elle s’adresse –de l’extérieur du périmètre de l’État–, à un État qui lui fait la sourde oreille car il n’est pas contraint par la loi d’appliquer les « recommandations » et les « avis » qui lui sont adressés par l’AKA. Sur le plan juridique, les « recommandations » et les « avis » de l’Académie créole n’ont donc aucun pouvoir contraignant pour l’État. Cela se donne à voir, en termes de bilan, par l’analyse objective de l’action de l’Académie créole dans l’espace public et dans le système éducatif national.

 L’Académie créole dans l’espace public

Dans l’espace public, l’Académie créole s’est donné pour mission, selon la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an » (7 avril 2014), de faire respecter les « droits linguistiques » des locuteurs haïtiens. Il en est ainsi de l’article 4 : « Li la pou garanti dwa lengwistik tout Ayisyen sou tout sa ki konsène lang kreyòl la ». Alors même que nulle part dans la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an », les « droits linguistiques » ne sont définis, l’article 6-c de cette loi dispose que l’AKA « Pran tout dispozisyon pou ede popilasyon ayisyen an jwenn tout sèvis li bezwen nan lang kreyòl la ». Il est attesté que cette généreuse « disposition » n’a à aucun moment été mise en application de 2014 à 2024… Sur ce registre où, en principe, est fixé le cap majeur de son action, l’échec de l’AKA constitue un monument dédié à son impuissance…

De manière liée, l’article 11-e stipule que l’AKA « Travay pou enstitisyon leta yo aplike Konstitisyon an nan piblikasyon tout dokiman ofisyèl yo nan lang kreyòl ». On l’aura noté, « Travay pou », « Faire en sorte que » : la régression obligataire est patente et elle tient à la nature uniquement déclarative de l’Académie créole qui se cantonne à des vœux là où le texte constitutionnel parle d’obligation de l’État à l’article 40. Autrement dit, l’AKA est dans l’impossibilité de promouvoir un processus de « légifération » afin de faire appliquer l’article 40 de la Constitution de 1987 qui, en dehors de la sphère déclarative dans laquelle se cantonne l’AKA, pose une obligation explicite : « Obligation est faite à l’État de donner publicité par voie de presse parlée, écrite et télévisée, en langues créole et française aux lois, arrêtés, décrets, accords internationaux, traités, conventions, à tout ce qui touche la vie nationale (…) ».

En termes de bilan pour la période 2014 – 2024, l’Académie créole affiche des résultats quasi nuls puisqu’elle n’a pris aucune mesure (elle n’en a pas juridiquement le pouvoir), elle n’a mis en œuvre aucun programme connu visant « à garantir les droits linguistiques sur toutes les questions touchant la langue créole haïtienne » (article 4 de la « Lwa » de l’AKA). Il en est de même en ce qui a trait à l’application de l’article 11-e de la « Lwa » de l’AKA relatif à la diffusion de tous les documents de l’État dans l’une des deux langues officielles du pays conformément à une interprétation amputée de l’article 40 de la Constitution de 1987. Ce sont là deux échecs majeurs de l’Académie créole que ne parviennent pas à éluder ni à masquer les mini-actions rituelles de l’AKA-lobby politique, entre autres la célébration de la Journée internationale de la langue créole. Au plan institutionnel, ces deux échecs majeurs s’expriment notamment dans la réalité que les locuteurs haïtiens n’ont toujours pas droit à des services gouvernementaux en langue créole. C’est le cas par exemple des tribunaux, à tous les niveaux à travers le pays, qui instruisent leurs dossiers en français, en ayant recours à des textes de loi rédigés uniquement en français, et qui rendent des décisions légales consignées dans des documents rédigés uniquement en français. C’est également le cas de la totalité de l’Administration publique haïtienne qui, sauf de rares exceptions (un avis d’une direction, une note de presse…), produit la quasi-totalité de ses documents en français. Dans cette dynamique de l’usage dominant du français couplé à la minorisation institutionnelle du créole, le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti, fer de lance du processus de création de l’Académie créole et membre de l’AKA, continue de produire et de diffuser la quasi-totalité de ses documents administratifs uniquement en français et, à notre connaissance, aucun diplôme émis par l’Université d’État d’Haïti n’est rédigé en créole, l’une de nos deux langues officielles. Il est d’ailleurs fort révélateur que, dans le bilan consigné sur le site officiel de l’Académie créole, au chapitre « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019 », aucune mention n’est faite des réalisations visant « à garantir les droits linguistiques sur toutes les questions touchant la langue créole haïtienne » (article 4 de la « Lwa » de l’AKA). Aucune mention n’est faite non plus des réalisations relatives à l’application de l’article 11-e de la « Lwa » de l’AKA en ce qui a trait à l’obligation de la diffusion de tous les documents de l’État dans l’une des deux langues officielles du pays selon une vision amputée de l’article 40 de la Constitution de 1987. S’il est vrai que le « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019 » consigné sur le site officiel de l’AKA mentionne une abondante et virtuelle pluie de « réalisations » du type « Caravane de l’AKA », « campagnes de sensibilisation », « conférences débats » dans des institutions scolaires, « émissions radio-télé », il est avéré que ces « réalisations » n’ont à aucun moment permis d’atteindre de manière mesurable et durable les objectifs ciblés par les articles 4 et 11-e de la « Lwa » de l’AKA.

L’Académie créole dans le système éducatif national

Dans l’espace public et dans le champ éducatif, les rectifications orthographiques proposées par l’Académie du créole haïtien le 1er juin 2017 ont été contestées à l’interne et à l’externe. Ainsi, dans un virulent réquisitoire paru sur le site Potomitan le 17 février 2018, « Lèt tou louvri pou akademisyen nan Akademi kreyòl ayisyen », le linguiste Michel Degraff, membre fondateur de l’AKA, s’insurge contre l’« entèdiksyon kont fòm kout nan premye vèsyon bilten Aka (oktòb 2016) selon desizyon inilateral pastè Pauris Jean-Baptiste (prezidan AKA) ». Auteur de deux lettres ouvertes à l’Académie créole, Michel Degraff a été dans un premier temps « suspendu » et par la suite brutalement (« macoutiquement ») exclu de l’AKA. En dehors de l’Académie créole, le linguiste « Lemète Zéphyr dénonce les lacunes de la résolution de l’Aka sur l’orthographe du créole » (Montray kreyòl, 19 juin 2017), tandis que le linguiste Renauld Govain analyse la position officielle de l’AKA dans son texte « Konprann ‘’Premye rezolisyon sou òtograf lang kreyòl ayisyen’’ an » (AlterPresse, 28 juin 2017). Il éclaire cette « Première résolution », précisant, entre autres, que l’Académie créole confond orthographe, alphabet et graphie : « Rezolisyon an manke jistès nan chwa tèminolojik li yo. Sanble li konfonn òtograf, alfabè, grafi yon pa, epi yon lòt pa, li konpòte tèt li tankou yon trete òtograf, jan nou kapab verifye sa nan dispozisyon 2, 4, 5, 8, 9. » Pour sa part, Christophe Charles, poète, éditeur et enseignant, membre de l’Académie créole, prend le contre-pied de la position officielle de l’AKA sur la graphie du créole dans un texte publié dans Le Nouvelliste du 26 octobre 2020, « Propositions pour améliorer la graphie du créole haïtien ». Au bilan de l’action de l’Académie créole destinée à « fixer » l’orthographe du créole, l’échec est là aussi de notoriété publique mais l’on ne retrouve nulle trace d’une analyse critique de cet échec sur le site officiel de l’AKA, en particulier dans le « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019 » mis en ligne par l’AKA lobby politico-linguistique.

De manière plus essentielle –hormis les scandales de corruption et de népotisme ayant fleuri dans la gestion administrative de l’AKA et qui ont été amplement documentés par Michel Degraff–, c’est à travers de prétendus « grands accords stratégiques » conclus entre l’Académie créole et le ministère de l’Éducation nationale que l’échec de l’AKA est le plus évident. Diverses sources documentaires (Unicef, Unesco…) estiment de 3 à 4 millions d’élèves le nombre d’apprenants évoluant dans le système éducatif national : ce terrain représente donc tout « naturellement » un champ à investir pour une Académie qui, quoique dénuée d’un quelconque mandat exécutif, entend intervenir pour y… aménager le créole. C’est le sens de l’« Accord du 8 juillet 2015 » signé entre l’AKA et le ministère de l’Éducation nationale.

L’objectif principal de cet accord est ainsi libellé : « Atik 1. Dokiman sa a se yon Pwotokòl akò ki angaje ministè Edikasyon nasyonal ak fòmasyon pwofesyonèl (MENFP) ak Akademi kreyòl ayisyen an (AKA)  sou fason pou yo kalobore pou pèmèt lang kreyòl la sèvi nan tout nivo anndan sistèm edikatif ayisyen an ak nan administrasyon MENFP. » À bien comprendre cet objectif, on constate qu’il y a ici encore confusion entre la nature déclarative de l’Académie et ses prétentions exécutives : il s’agit de « permettre » l’utilisation de la langue créole à tous les niveaux du système éducatif et dans l’administration du ministère de l’Éducation –et non pas de rendre son usage obligatoire et d’encadrer pareil usage au plan didactique et juridique. La mesure annoncée n’est nullement contraignante ni mesurable, aucun règlement d’application n’ayant prévu les mécanismes de sa mise en œuvre pour laquelle d’ailleurs l’Académie créole n’a aucune ressource professionnelle permanente et de haute qualité, aucune infrastructure logistique destinée à en asseoir la mise en oeuvre et à en mesurer l’effectivité. Manifestement il s’est agi d’un accord cosmétique qui n’a produit aucun résultat mesurable, ce qui a donné lieu un an plus tard à la foudre colérique de l’Académie créole : « Leurs flèches se sont aussi dirigées contre le ministère de l’Éducation nationale. Le problème linguistique en milieu scolaire, en abordant ce point avec un peu d’énervement, les académiciens estiment que le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) méprise et néglige l’apprentissage dans la langue créole. Pour eux, le MENFP devrait prendre des mesures adéquates pour que l’apprentissage soit effectif dans la langue maternelle. » (voir l’article « L’Académie du créole haïtien réclame le support de l’État », Le Nouvelliste, 1er mars 2018.) Il faut surtout retenir, en termes de bilan de l’action de l’AKA, que celle-ci entendait agir, avec l’Accord du 8 juillet 2015, au titre d’une institution d’aménagement linguistique –ce qui n’est nullement prévu dans la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an » du 7 avril 2014. La confusion des genres –et surtout de mandat— est ici de première évidence : l’Accord du 8 juillet 2015 entre l’AKA et le ministère de l’Éducation a été l’occasion pour l’Académie créole de se draper de certaines attributions d’aménagement linguistique alors même que la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an » ne le lui permet pas (voir, là-dessus, notre texte du 15 juillet 2015, « Accord du 8 juillet 2015 – Du défaut originel de vision à l’Académie du créole haïtien et au ministère de l’Éducation nationale », Potomitan, 15 juillet 2015 ; voir aussi notre article « Maigre bilan de l’Académie du créole haïtien (2014-2019) : les leçons d’une dérive prévisible », Madinin’Art, 10 avril 2019). Encore une fois, le « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019 » consigné sur le site officiel de l’AKA ne présente aucune évaluation analytique d’un si « grand accord stratégique » dont l’échec n’a pu qu’accentuer la solitude et l’inutilité d’une Académie absente du débat d’idées et isolée à l’échelle nationale. La vaine et volontariste prétention de l’AKA quant à son présumé leadership, quant à son rôle-phare de « référence » nationale n’a à aucun moment été démontrée alors même que, à l’article 5 de sa charte constitutive, il est stipulé que « Akademi Kreyòl Ayisyen an se referans pou lang kreyòl la nan peyi dAyiti, kit nan pale, kit nan ekri, nan enstitisyon leta kou prive ». Dans les domaines linguistique, sociolinguistique et démolinguistique, sur les registres de la didactique et de la didactisation du créole et au plan des outils pédagogiques, l’Académie créole n’a produit aucun document scientifique de référence et qui pourrait justifier sa prétention à un quelconque rôle-phare de « référence » nationale. 

En résumé, le bilan analytique de l’action de l’Académie créole (2014 – 2024) est fort instructif. Il atteste l’existence d’une béante contradiction entre les termes de la « Lwa pou kreyasyon Akademi kreyol ayisyen an » (Le Moniteur, 7 avril 2014) et l’ensemble des initiatives prises par l’AKA qui, en dehors de son mandat légal déclaratif, a en vain tenté d’agir à titre d’une instance exécutive d’aménagement linguistique. L’« Accord du 8 juillet 2015 » signé entre l’AKA et le ministère de l’Éducation nationale, qui n’a produit aucun résultat mesurable, n’a pas donné lieu à l’élaboration d’une politique linguistique éducative, et l’usage normalisé et encadré du créole langue maternelle dans l’apprentissage scolaire demeure encore peu répandu dans le système éducatif national (voir notre article « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? », Fondas kreyòl, 11 novembre 2021). Le « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019 » expose la création d’un « Espas refleksyon akademisyen sou dokiman « Plan décennal d’éducation et de formation 2017-2027 », ki te fèt jou ki te 25 me 2017 », et il annonce l’existence d’un « Dokiman « Pozisyon AKA sou Plan desenal edikasyon 2-17-2029 la sa a nan bibliyotèk AKA ak sou sit wèb AKA ». Ce document n’a pas pu être consulté parce que le titre annoncé n’est pas interrogeable sur le site officiel de l’Académie créole. 

Toujours au chapitre de son « Bilan 4 desanm 2014 – 4 desanm 2019, l’Aka annonce, en page d’accueil de son site, être à l’étape de la « Preparasyon zouti referans tankou gramè, diksyonè jeneral, diksyonè jiridik ». Volontariste et lunaire, cette annonce n’a pu, sur le site de l’AKA, être validée en termes de bilan d’une action mesurable et l’on est en droit de se poser une incontournable question : une microstructure telle que l’Académie créole, dépourvue d’expertise connue en lexicographie, en didactique des langues, en dictionnairique et en terminologie juridique, est-elle en mesure de s’engager dans de si vastes chantiers et de produire des « outils de référence » alors même que sa Directrice scientifique a.i. et ses rares linguistes bénévoles n’ont aucune compétence connue dans l’un de ces champs et n’ont publié aucune étude scientifique, aucun livre dans ces domaines de haute spécialisation ? (Voir nos articles « Un « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative » (Madinin’Art, 2 novembre 2018) ; « Dictionnaires et lexiques créoles : faut-il les élaborer de manière dilettante ou selon des critères scientifiques ? » (Le National, 28 juillet 2020) et « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique, citoyenne et rassembleuse » (Alterpresse, Port-au-Prince, 25 juillet 2023).

L’échec multifacette de l’Akademi kreyòl ayisyen à tous les étages de la société haïtienne traduit l’incapacité de l’État à penser la question linguistique sur des bases scientifiques, au périmètre des sciences du langage et de la jurilinguistique. La complexe question linguistique haïtienne est encore souventes fois, de nos jours, emprisonnée dans des bavardages itératifs, des prêches « militants » et subjectifs sans véritables perspectives, sans cadre juridique approprié et, surtout, en dehors d’une politique linguistique nationale. La création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti –issue d’une politique linguistique nationale–, apportera certainement des réponses adéquates et durables aux défis de l’aménagement simultané de nos deux langues officielles conformément aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 (voir notre article « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti » (Le National, 23 septembre 2021). 

Nouvelle partie de poker menteur entre le Conseil présidentiel de transition et le PHTK néo-duvaliériste : Sterline Civil remplace Jean Ronald Joseph à la direction du FNE

Au moment où nous achevons la rédaction du présent article, la presse haïtienne rapporte la nouvelle de l’installation d’une nouvelle directrice au Fonds national de l’éducation. En effet, sur le compte X du journal Le Nouvelliste daté du 18 février 2025, il est mentionné que « Sterline Civil a été installée, ce mardi 18 février 2025, comme nouvelle directrice générale du Fonds national de l’éducation (FNE). La cérémonie s’est déroulée en présence de plusieurs cadres du FNE et du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP). Madame Civil remplace Jean Ronald Joseph, qui a occupé le poste entre décembre 2021 et février 2025 ». La presse locale présente la jeune trentenaire Sterline Civil comme une juriste et enseignante, ex-directrice des Affaires consulaires —donc administrativement responsable du contrôle des passeports haïtiens émis à Washington–, et ex-ministre-conseiller à la mission permanente d’Haïti auprès de l’Onu… L’on note toutefois que la presse locale et internationale n’a pas encore apporté la preuve de l’implication de Sterline Civil dans le scandale des passeports à l’ambassade d’Haïti à Washington (« Le plus haut diplomate d’Haïti aux États-Unis [Bocchit Edmond] est limogé après un scandale de passeports à l’ambassade de Washington », titre le Miami Herald, révélant les implications des proches d’Edmond Bocchit et de Claude Joseph dans des actes de corruption à l’ambassade d’Haïti à Washington » : voir l’article « Bocchit limogé : les révélations chocs de Miami Herald sur le scandale de passeports à l’ambassade d’Haïti à Washington », Rezonòdwès, 5 mai 2023).

La scabreuse nomination de Sterline Civil par le Conseil présidentiel de transition constitue certainement un désaveu public du ministre de l’Éducation nationale, Augustin Antoine, qui avait formellement demandé le 9 octobre 2024 à la Cour supérieure des comptes d’effectuer un audit administratif et financier des 9 organismes placés selon la loi sous la tutelle administrative du MENFP (voir l’article « La corruption dans le système éducatif national d’Haïti / Le ministre Augustin Antoine dépose une demande d’audit financier et administratif à la CSCCA » par Robert Berrouët-Oriol, Madinin’Art, 16 octobre 2024). 

Dans sa requête le ministre Augustin Antoine enjoint la Cour supérieure des comptes d’accorder « une suite urgente à cette requête » et précise que l’audit devra être effectué « au niveau du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ainsi que dans les directions techniquement déconcentrées et autonomes suivantes :

  • Le Programme national de cantine scolaire (PNCS) 
  • L’Unité de coordination et de programmation (UCP) 
  • La Secrétairerie d’État à l’alphabétisation (SEA) 
  • La Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU) 
  • L’École nationale de géologie appliquée (ENGA) 
  • L’Institut national de formation professionnelle (INFP) 
  • L’Office national de partenariat en éducation (ONAPE) 
  • L’École nationale supérieure de technologie (ENST)
  • Le Fonds national de l’éducation (FNE) ».

Ainsi donc, quatre mois seulement après le dépôt de la requête du ministre Augustin Antoine et avant l’établissement du moindre rapport intérimaire d’enquête de la Cour supérieure des comptes, le Conseil présidentiel de transition court-circuite l’action de la Justice ainsi que les enquêtes menées par l’ULCC, l’Unité de lutte contre la corruption

Il y a lieu de rappeler que la corruption au Fonds national de l’éducation est emblématique à plusieurs égards –notamment du fait que le FNE est la plus importante institution de financement du système éducatif national placée sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale. L’actualisation de l’ensemble de ses activités et de ses ressources financières revêt donc une place de premier choix dans tout diagnostic actualisé de l’Éducation nationale. À ce titre il importe de prendre toute la mesure que « Des enquêteurs de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) ont effectué, le mardi 4 mai 2024, une perquisition au Fonds national de l’éducation (FNE). Cette opération intervient dans le cadre d’une enquête en cours sur des faits de corruption signalés, a précisé l’ULCC sur ses réseaux sociaux. Selon certaines informations, plus de 7 milliards de gourdes auraient été détournées sous l’administration de l’actuel Directeur général du FNE, Jean Ronald Joseph » (voir l’article « Corruption au Fonds national de l’éducation : l’ULCC ouvre une enquête », Haiti24.net, 4 juin 2024). La perquisition du 4 mai 2024 est consécutive aux révélations parues dans la presse, entre autres celles du site Hebdo24.com datées du 1er avril 2024 relatives au vaste « système dilapidateur » des ressources financières de l’État ayant cours au Fonds national de l’éducationIl est d’ailleurs fort révélateur que le PSUGO (le controversé Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire), lui-aussi créé par le PHTK néo-duvaliériste, fasse partie du même vaste système d’escroquerie et de malversation repérable dans différents secteurs de l’administration de l’État. Voici un extrait des révélations du site Hebdo24.com datées du 1er avril 2024 : « Au Fonds national de l’éducation, l’argent se gaspille par « millions de gourdes » — « Depuis le weekend dernier, le Fonds national de l’éducation fait l’objet de graves dénonciations. En effet, le FNE constituerait une vraie vache à lait pour certaines personnes, dont son Directeur général. Selon des documents consultés par Hebdo24, le salaire mensuel de Jean Ronald Joseph s’élève à 650 000 gourdes [4 875 $ US mensuels]. Additionné sur 12 mois, son salaire est de 7 millions 800 mille gourdes annuellement. De plus, les dépenses salariales au sein du bureau du Monsieur Joseph totalisent 24 millions de gourdes par an pour sept personnes, tandis que son cabinet, composé de dix-sept membres, représente une dépense annuelle de 49 millions de gourdes. Dans ces documents, figurent des noms de firmes, d’écoles, de journalistes et d’autres contractuels qui perçoivent des sommes astronomiques pour leurs services. C’est le cas de l’ancien député Déus Déroneth qui reçoit un montant de 350 000 gourdes à titre de contractuel ».

Avec l’installation de Sterline Civil à la direction du Fonds national de l’éducation, une nouvelle partie de poker menteur entre le Conseil présidentiel de transition et le PHTK néo-duvaliériste se solde par la victoire du PHTK et la confirmation que ce cartel mafieux a encore la haute main sur le système éducatif national haïtien. Dans un prochain article nous analyserons, sur le registre de l’impunité, la signification profonde de la nouvelle partie de poker menteur entre le Conseil présidentiel de transition et le PHTK néo-duvaliériste.

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