Certains, pris de doute, chuchotaient qu’il ne s’agissait que d’une figure de synthèse. Il fallut se rendre à l’évidence : le conseiller était là, en chair visible, costume officiel et barbe blanche comme mémoire d’un autre temps. Mais une question demeure, aussi embarrassante qu’inévitable : n’est-ce pas ce même M. Leblanc qui, Blanc comme la neige, dans un élan d’indignation publique, avait déclaré vouloir se dissocier des architectes du braquage perpétré à la Banque Nationale de Crédit ? Que vient-il donc encore cautionner par sa présence silencieuse au sein de ce Conseil sinon la continuité feutrée des compromissions qu’il prétendait dénoncer ?
Oyez, oyez ! Il respire encore ! Après des mois passés en hibernation politique, Edgard Leblanc Fils, conseiller-président du très énigmatique Conseil Présidentiel de Transition (CPT), a été formellement repéré le 16 mai 2025 à l’hôtel El Rancho. Une apparition rare, presque folklorique, lors d’une cérémonie sobrement baptisée « journée de réflexion sur l’intégration des personnes handicapées ». D’aucuns auraient pu croire à une projection numérique tant sa présence relevait de l’exception. Pourtant, nul artefact technologique : c’était bien lui, physiquement incarné, vêtu d’un complet sobre et orné d’une barbe désormais blanchie par le temps.
On avait pourtant fini par croire qu’il s’était égaré dans un recoin obscur de l’administration PHTK-CPT ou, qui sait, dans une boucle temporelle remontant à l’époque du cartel Lavalas. Mais voilà qu’il réapparaît au détour d’une commémoration institutionnelle, souriant, posé, tel un moine zen reconverti en fonctionnaire éternel. Mais, il lui manquait le pot à l’eau.
Depuis son intronisation au CPT, l’ex-sénateur Edgard Leblanc s’est distingué par sa capacité hors norme à conjuguer silence et présence. Invisible dans les débats, inaudible dans les crises, imperceptible dans les décisions, mais incontestablement actif sur un point : percevoir régulièrement ses émoluments, dûment fraisés, comme un vieil automate programmé à la ligne budgétaire. A défaut de présence politique, sa constance salariale, elle, ne fait pas défaut. Vive le CPT à 9.
Mais n’y voyons pas que satire : cette dernière apparition — dans un espace climatisé, à quelques pas du buffet garni — fut l’occasion de rappeler, sans rire, l’engagement du Conseil à promouvoir une société inclusive. Un referendum avec la peur au ventre de rendre public le texte constitutionnel. Il fallait oser. Le conseiller, champion toute catégorie de l’inaccessibilité politique, est désormais le porte-voix des laissés-pour-compte. Quel hommage involontaire aux personnes en situation de handicap ! Eux, au moins, réclament des rampes d’accès, pas des fauteuils capitonnés d’indifférence.
Les mauvaises langues diront qu’il sort de sa tanière uniquement quand les caméras sont braquées et les petits fours bien disposés. Mais peut-être est-ce là un nouveau modèle de leadership : statique, spectral, mais toujours protocolaire. Après tout, dans cette République de l’absurde, Edgard Leblanc incarne à merveille le fonctionnaire fossile, une figure de musée qui continue de figurer sur les photos officielles pendant que la maison brûle.
