par Reynoldson Mompoint
Port-au-Prince
Le 23 Avril 2023
Dans ce pays de toutes les confusions, où la logique s’étrangle chaque matin dans le gouffre de l’impunité, la Police Nationale d’Haïti n’est plus une institution républicaine : elle est devenue une escorte de luxe au service des élites, des puissants, et des criminels en cravate comme en kalachnikov. Tandis que le peuple crie, que les enfants meurent, que les mères supplient, les blindés ronronnent non pas dans les zones rouges, mais dans les quartiers feutrés des ambassadeurs, des barons économiques et des politiciens cramponnés au pouvoir comme des sangsues affamées.
Pendant ce temps, l’Ouest, le Plateau Central, l’Artibonite agonisent. Mais la police, elle, garde les perrons des banques, escorte les convois diplomatiques, les cortèges des officiels et des supposés serviteurs de l’État, poste devant les clubs huppés de Pétion-Ville. Son mandat initial ? « Protéger et servir. » Mais aujourd’hui, elle choisit qui mérite protection et qui peut crever en silence.
Partant de janvier à avril 2025, l’État haïtien a décaissé environ 334,35 millions de gourdes soit 2,56 millions de dollars US genre financier à la PNH. Cette somme visait le renforcement des opérations sécuritaires dans un contexte d’insécurité généralisée. Rien est fait, sinon que note de presse, dénonciation.
Et que dire de ces alliances tacites avec les groupes armés ? À croire que certains commissariats sont devenus des annexes de gangs, des postes relais où l’uniforme bleu donne la bénédiction aux exactions. Qui arme qui ? Qui couvre qui ? Qui paie qui ? Mystère pour les naïfs, évidence pour ceux qui observent sans ciller.
L’affaire Magalie Habitant, Prophane Victor et le baron du secteur des affaires en dit long sur l’instrumentalisation de la PNH, et l’implication de ses membres dans la destruction des vies et des biens des fils du Bon Dieu. Cette situation nous interpelle sur le désordre institutionnalisé. Les politiciens sont les plus faibles du maillon et ne s’en rendent même pas compte. Mûs par leur avidité du pouvoir et de l’argent qu’ils ne jouissent pas, ces derniers, après avoir servi loyalement, se voient jetés comme des serviettes à usage unique, soit pour le feu, soit pour la fosse septique. Le revendeur, trafiquant dans le trio : »politiciens-terroristes-commerçants » reste protégé par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
Le citoyen lambda n’a plus d’interlocuteur et cela revient du pareil au même pour celui bêta. Quand ils appellent au secours, c’est leurs messageries vocales qui prennent le relais. Quand ils se présentent à un commissariat, on les scrute comme des intrus. De facto, la sécurité est devenue un privilège, non un droit. Le monopole de la violence légitime est entre les mains d’une institution qui n’a plus ni colonne vertébrale ni morale comme boussole.
Et pendant que les puissants trinquent à la stabilité retrouvée, le peuple, lui, enterre ses morts, répare ses chairs et accumule sa colère.
Gravement grave de constater la Police au service et à la protection du personnel ambassadeur, du secteur des affaires, de la frange politique au pouvoir et des terroristes.
Reynoldson Mompoint