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Député Hugue Célestin. Amendements constitutionnels en Haïti : l’article 282 face aux ambitions des élites

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L’initiative de réforme constitutionnelle, loin d’être une réponse aux aspirations populaires, apparaît comme une manœuvre habile pour consolider le pouvoir des élites et des intérêts étrangers. Derrière le voile d’une modernisation prétendue, ce projet suscite des interrogations profondes : est-il vraiment conçu pour redresser une nation en crise, ou sert-il simplement à pérenniser les inégalités et à légitimer une gouvernance autoritaire déguisée ?

Constitutions et politique en Haïti : réformes et manœuvres pour consolider la domination

En Haïti, la paupérisation se généralise : travailleurs, professionnels, entrepreneurs et ouvriers se retrouvent massivement au chômage, augmentant chaque jour les rangs des déshérités. Les ménages peinent à subsister, acculés par l’augmentation vertigineuse des prix des produits de première nécessité et des services. Dans ce contexte, des milliers d’enfants et de jeunes, privés de nourriture et d’éducation, deviennent des proies faciles pour des gangs qui endeuillent la nation par leurs actes de barbarie.

La violence est omniprésente : des fillettes, des femmes, et parfois même des garçons, sont quotidiennement victimes de viols sous les regards impuissants de leurs familles. Des milliers de personnes sont assassinées ou kidnappées, leurs proches, ruinés par le paiement de rançons exorbitantes, plongent dans le deuil lorsque les victimes sont retrouvées mortes. Leurs corps, souvent en état de décomposition avancée, deviennent la proie des chiens errants ou des cochons affamés. D’autres, contraints de fuir la violence des quartiers assiégés, s’entassent dans des camps insalubres où règnent humiliation et désespoir.

Le pays sombre dans le chaos : les gangs armés étendent leur contrôle, transformant des espaces en véritables « territoires perdus ». Les dirigeants, inconscients, encouragent cet effondrement par leur insouciance. Les victimes se multiplient : hommes, femmes, enfants, tous sacrifiés sur l’autel d’une gouvernance criminelle et inhumaine.

Dans ce contexte de désarroi, où colère et résignation se mêlent à l’impuissance et à la frustration, surgit une initiative incongrue qui défie à la fois la logique et la morale : la « réforme constitutionnelle ». Ce texte, préparé dans les officines de l’ambassade américaine sous la présidence de Jovenel Moïse, a été remanié pour répondre aux intérêts des groupes dominants, puis confié à un collectif insensible, réuni sous le titre pompeux de « Conseil Présidentiel de Transition ».

Ces acteurs, dans une démonstration saisissante d’arrogance et de mépris pour la souveraineté populaire, déploient un appareillage soigneusement orchestré pour imposer leur projet funeste. Tout semble fin prêt : ils s’activent désormais à imposer une nouvelle Constitution, conçue selon les directives de leurs maîtres étrangers et locaux, avec pour objectif de restructurer profondément les rapports sociaux, politiques, économiques et culturels de notre nation.

Réforme illégitime : crime et affront

La Constitution haïtienne de 1987, adoptée après des décennies de dictature, établit dans ses articles 282 et suivants un processus rigoureux et réfléchi pour tout amendement. Ces dispositions visent à prévenir toute modification unilatérale ou autoritaire pouvant compromettre l’équilibre des pouvoirs ou trahir la souveraineté du peuple haïtien.

Le 3 janvier 2025, la population est stupéfaite. Sous les feux des projecteurs, le président du Groupe de Travail sur la Constitution (GTC), Jerry Tardieu, apparaît en triomphateur. Sans retenue, il remet officiellement ce « cadeau empoisonné » au secrétariat technique du Comité de pilotage fantoche de la conférence nationale.

Le Conseil Électoral Provisoire (CEP), simple courroie de transmission du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et des puissances internationales, s’inscrit rapidement dans cette mascarade. Le 12 janvier 2025, il publie un avis de recrutement pour valider cette parodie de réforme. Ces manœuvres administratives, loin d’être neutres, servent à constituer des bureaux référendaires et électoraux, un prétexte pour sélectionner les futurs acteurs des magouilles électorales. Un empressement indécent qui s’apparente à une mise aux enchères de la participation citoyenne.

Réforme constitutionnelle : rupture ou continuité ?

L’histoire constitutionnelle d’Haïti, marquée par une vingtaine de constitutions, est jalonnée de réformes motivées par des désirs de modernisation. Cependant, ces réformes ont échoué à résoudre les problèmes structurels du pays : pauvreté, corruption, instabilité politique, inégalités sociales. Elles ont souvent renforcé les pouvoirs de certains groupes au détriment de la majorité.

Aujourd’hui, la nouvelle Constitution présentée au public est vantée comme une solution miracle. Mais derrière ces discours séduisants se cachent des intentions inavouables : perpétuer un système politique incapable de répondre aux besoins du peuple. Peut-on croire qu’une réforme constitutionnelle garantirait la démocratie dans un pays où les politiques publiques sont systématiquement entravées par des acteurs étrangers et locaux ?

Ce projet, porté par des dirigeants parachutés par la Communauté internationale, reflète les ambitions des élites nostalgiques du « bon vieux temps » des Duvalier et d’une classe politique opportuniste, effrayée par l’idée d’une participation citoyenne réelle. Il concentre les pouvoirs dans les mains de l’exécutif, réduit les organes de contrôle à des rôles symboliques et supprime les mécanismes de participation populaire. Ce modèle présidentiel exacerbé fait du président une figure quasi divine.

Propagande politique et manipulation

Le Nord, devenu un refuge pour les affaires, s’impose comme la capitale de la propagande gouvernementale. Le Conseil Électoral Provisoire (CEP) orchestre des campagnes vantant cette réforme, sans considération pour les véritables besoins du peuple. Derrière ces initiatives se cache une « industrie des per diem », où les indemnités journalières deviennent une source lucrative pour les acteurs politiques.

Les jeunes, particulièrement vulnérables, sont manipulés et recrutés dans les structures du CEP sous prétexte de participation citoyenne. Cette démarche, loin d’être inclusive, exploite leur précarité pour valider une réforme au service des élites corrompues.

Contre les dangers de la réforme : résistance et mobilisation

L’avenir d’Haïti ne doit pas être confisqué par un projet conçu pour consolider les privilèges d’une minorité. Sous couvert de modernisation, cette réforme menace les valeurs d’indépendance et de justice qui ont façonné l’identité du peuple haïtien. La Constitution de 1987, bien qu’imparfaite, reste un socle construit sur les sacrifices des générations passées.

Il est impératif de rejeter cette réforme et de concentrer les efforts sur des priorités réelles : la sécurisation du pays, une réforme des forces de sécurité et une lutte active contre la corruption. La résistance collective doit défendre non seulement la Constitution de 1987, mais aussi l’idéal d’une Haïti libre, souveraine et juste.

Le mot d’ordre est clair : « Bandit : zéro tolérance ! »

Bibliographie

1- Auguste, Joseph. Les constitutions haïtiennes : Une perspective historique et juridique. Port-au-Prince: Éditions Mémoire, 2004.

2- Constitution de la République d’Haïti (1987).

3- Étienne, Sauveur Pierre. Haïti : les luttes démocratiques et la Constitution de 1987. Montréal: Éditions de l’Université de Montréal, 2011.

4- Lamarre, Jean. Haïti : Histoire constitutionnelle et politique (18041987). Port-au-Prince: Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2010.

5- Manigat, Leslie François. Réflexions sur la Constitution de 1987 : Pour une lecture critique. Port-au-Prince: Éditions Henri Deschamps, 1996.

6- Manigat, Mirlande. L’État haïtien en question : Réflexions sur la gouvernance et la souveraineté. Port-au-Prince: Éditions CIDIHCA, 2007.

7- Morisseau, Lionel. Les fondements du droit constitutionnel haïtien. Port-au-Prince: Éditions Maurice, 1989.

8- Saint-Louis, Bonivert Claude. Essais sur le droit constitutionnel haïtien. Port-au-Prince: Éditions Presses Nationales, 2010.

ARTICLES

1- CIDH. Rapport sur les défis constitutionnels en Haïti. Washington D.C.: Organisation des États Américains (OEA), 2021.

2- Corten, André. « Une Constitution sans démocratie : Le cas haïtien ». Revue internationale de politique comparée, vol. 15, no. 1, 2020, pp. 45-67.

3- Pierre, Michel. « La réforme constitutionnelle : Un outil de légitimation ou une menace pour la démocratie ? ». Journal of Caribbean Legal Studies, vol. 5, 2023.

Grand Pré, 18 Janvier 2025

Hugue CÉLESTIN
Sociologue

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